Soft Chair

Dynamic seats, behaving like friends, and communicating together to determine a common shape.

The research is a part of the reflexion about behavioural design.

Fauteuils dynamiques au comportement amical. Autonomes et compréhensifs, ces fauteuils dialoguent entre eux pour proposer des configurations intéressantes. Ils identifient l’utilisateur, prennent en compte son comportement, la musique environnante, la proximité d’autres éléments de mobilier intelligent.

Ce projet non encore réalisé est à l’origine de la réflexion sur le design comportemental d’environnement.

Si les objets ont une intelligence, ils vont avoir un caractère par Sophie PÈNE

Simple comme une phrase de Louise Bourgeois, ce propos de Maurice Benayoun, jeté dans la conversation, avec un sourire, était un programme. Acte de langage, il exprimait une attention aux métamorphoses. Il sonnait le gong : regardez un peu autour de vous. De petits miracles technologiques se produisent. Nous déléguons des gestes aux machines. Elles ont une « mémoire ». Les tissus sont « intelligents ». Les commandes sont « sans contact ». Cela semble normal, anodin, plat. Nous y voyons au mieux un risque de surveillance. Mais nous ne ressentons rien de ces relations étranges entre l’organique et l’émotionnel, entre le bit et l’atome. Nous allons équiper de puces et de capteurs nos agendas, nos lave-linge, qui en retour programmeront nos comportements. Nous appellerons cela de l’intelligence, et ce sera pour nous une « fonction », un « service », qui n’attireront pas davantage l’attention que ne l’ont attirée la magique vitre de voiture qui remonte toute seule, les lames de volets qui se ferment ensemble quand le soleil frappe, ou même la carte Navigo qui rend les portillons dociles comme les portes du château de la Belle et la Bête !

En apportant en 2010 à Laurent Massaloux et aux élèves de l’ENSCI (Ecole Nationale Supérieure de Création Industrielle) son projet « Affective chair » et en dessinant un programme de recherche sur le « design comportemental », Maurice Benayoun énonçait une proposition poétique, brute et radicale. Selon Louise Bourgeois, les femmes protègent. Et voici les « Femmes-maisons », les « Araignées » tisserandes. Selon Maurice Benayoun, un siège qui a un caractère est, peut-être, caractériel. Il peut n’en faire qu’à sa tête, se tortiller pour décourager une intrusion, expulser un journal posé sur son assise, se fermer s’il y a du bruit ou qu’il fait froid. Il peut aussi rester chaise, prendre une position d’attente, se conformer au corps qui s’assied, le reconnaître à son poids, à sa chaleur. Avec la fausse naïveté d’une lecture primaire de ce que serait un caractère, Maurice Benayoun a entraîné les designers dans une lecture contemporaine du « caractère », impliquant une relation sensible, synchronique et diachronique avec un milieu.

Si l’on s’en tient à l’analyse formelle, le caractère d’un meuble, c’est son style, l’authenticité d’une facture. Cela se voit. Un caractère de meuble intelligent n’est plus tout à fait de l’ordre du visible. Il ne se traduit pas seulement par une grammaire de formes ou de matières. Ce caractère est exprimé par des comportements, c’est-à-dire des actes dont le déclenchement est lié à la communication avec un milieu. Bien sûr l’initiative de ces comportements ne relève pas d’une conscience mais d’un programme. C’est tout le défi du design comportemental : élaborer des scénarios qui soient la partition des relations entre un élément de mobilier et un environnement ; combiner la régularité et la variation, le conforme et le surprenant.

La première tentation des élèves était une traduction anthropomorphe ou zoomorphe de ce caractère. Le siège serait ami ou ennemi. Il ronronnerait, nous répondrait, serait domestiqué ou sauvageon.

Les premières études créatives de la dizaine d’élèves de Laurent Massaloux ont vite montré des possibilités beaucoup plus subtiles et déroutantes. Les élèves ont capté les ressources des signaux sensibles disponibles dans un milieu, des espaces privés ou publics. La relation sensorielle que nous entretenons souvent sans en avoir conscience avec notre écosystème, ses odeurs, ses lumières, ses bruits, est médiée par le meuble. Le meuble devient un révélateur possible du milieu. Il rapproche l’humain urbain de la sensation. Il la traduit pour lui, l’amplifie. Le design comportemental introduit un « appareil expressif », selon l’expression de Pierre-Damien Huyghe à la suite de Walter Benjamin.

Ainsi la position artistique de Maurice Benayoun a-t-elle trouvé progressivement son plein écho dans le travail des designers. La technique numérique n’était plus dans la position soumise de la mécanique intelligente, mais configurait une sensibilité augmentée à l’interaction, ou plutôt à l’immersion dans la sensation. L’objet s’émancipait.

Il y a dans cette légère dérive joueuse un véritable coup de force : si nous ne reconnaissons pas la nécessité de designer des comportements, nous allons, humains, nous chosifier. Les objets nous répondront, ou plutôt anticiperont des intentions auxquelles nous n’aurons aucun besoin de donner forme. Somme toute ils programmeront nos comportements les plus intimes, les plus physiques, nous laissant l’illusion de nous libérer pour des tâches supérieures. Il semble pourtant que le monde contemporain soit porteur d’une prescription à innover qui concerne chaque humain, chacun de sa place, et que cela suppose un corps situé, actif, et des caractères bien trempés. Resterons-nous familier de l’inconnu, si l’on peut dire, les yeux grand ouverts sur ce qui n’est pas encore survenu, si nous sommes agis par la macro système d’information des objets connectés ? Notre société, pour sa survie, pour ses nécessaires métamorphoses, attend de la vigilance, de la créativité, une grande capacité à endurer l’incertitude et les stupéfiants retournements. Cependant « l’objet intelligent » telle que l’ingénierie numérique nous l’adresse, endort notre humanité occidentale dans un environnement lénifiant, semi-automatisé et nous maintient dans un Neutre qui n’est pas de saison.

Le défi artistique posé par Maurice Benayoun, ainsi déployé dans les prototypes des designers, inscrit l’objet dans la société contemporaine. Avis lancé aux ingénieurs de ne pas faire du Web.4 un système généralisé de l’information passive !

Un autre aspect, et non des moindres de cette collaboration, est une forme de hacking des technologies numériques et robotiques.

Comment trouver des moyens simples de faire des choses compliquées ? L’ambition poétique décomplexée de Maurice Benayoun a poussé dans ses retranchements les capacités du design. Avec la programmation Arduino, avec le prototypage rapide, l’ENSCI se rend compte que la possibilité de réaliser des objets à comportement, sous la forme publique de démonstrateurs très avancés est toute proche. Solutions légères, solutions agiles, fidèles à l’esprit des FabLabs introduit dans l’école par Jean-Louis Fréchin. « Un open design », hackant les mystères de la robotique, ouvrant les boîtes noires de l’objet magique, se répand ainsi dans le design, reformulant les liens fondamentaux de l’art et de l’industrie, et affirmant l’initiative de la création sur l’ingénierie. Cette «expérimentation domestiquée», conforme à la vocation de l’atelier de Laurent Massaloux , manifeste sa portée poétique, technologique et politique en une collaboration patiente et heureuse entre concept artistique et réponses du design.

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