Architectures réactives de la communication
Le virtuel c’est le réel avant qu’il ne passe à l’acte. Un non-espace non-matière. Il prend forme en s’actualisant.
L’architecture du virtuel c’est à la fois l’architecture de l’information et l’architecture de la communication. Sa matière c’est le sens et
l’échange.
C’est aussi une architecture de la situation. Confrontation de l’homme à un espace qui l’éprouve. La mise à l’épreuve et le dialogue.
L’exploration est un questionnement. La visite d’un espace à produire des non-réponses. Un parcours est une lecture. Le texte apparent
s’écrit au fur et à mesure de sa découverte.
L’infra-texte est l’ensemble des règles qui régissent le monde. C’est lui que l’on doit vivre et lire au delà des images. C’est lui qui se révèle par l’émergence des événements. Le scénario, développement dans le temps de la mise en oeuvre de l’espace, enchaîne les événements
dans un ordre et sous une forme issue de nos stratégies d’exploration. L’espace du film est du linéaire discontinu (le montage) le scénario d’une « visite » dans le virtuel est du linéaire individuel. Le linéaire ne s’oppose pas au chaos ou à l’aléatoire. Il est la traduction de notre vécu temporel de l’espace. L’opposition majeure se situe entre le linéaire pré-écrit et le linéaire personnel que le virtuel partage avec le réel.
C’est le réel qui nous enseigne la réactivité d’un univers qui prend en compte notre présence. L’architecture du virtuel n’est pas une protection contre un extérieur hostile, une organisation pré-structurée de l’espace à vivre, elle habille de sens notre être au monde. Elle nous fait participer au discours en faisant du visiteur la condition nécessaire de son énonciation. Dans ces mondes, se déplacer c’est agir, agir c’est construire, construire c’est révéler. Cette architecture masque pour mieux dévoiler. Si rien ne s’offre à priori, ne se donne à voir sans effort c’est qu’elle évite l’obscénité d’une exhibition forcée, offerte à qui ne l’a pas demandée. Elle participe donc au plaisir de la découverte.
Un monde virtuel n’est pas un simulacre d’architecture. C’est le « réalisme » que permet l’ordinateur, l’automatisation de la perspective, qui nous leurre. Ce n’est pas non plus une mise en
image de l’information. C’est sa mise en scène comme acteur d’un échange dont l’interlocuteur est le visiteur. L’architecte du virtuel abandonne les pesanteurs, les résistances, il ne gère pas les circulations multipliant les obstacles au corps et au regard. Il les donne à lire semant le trouble par sa différence. L’écart creusé entre le matériel et son évitement. Un monde interactif s’oppose à l’(inter) passivité du tangible. Au lieu d’enfermer l’homme dans l’imaginaire affranchi du réel, elle lui propose un niveau supplémentaire de réalisme, un univers de fiction qui comme dans son expérience du
réel, est modifié par sa présence manifeste. Cette « fiction virtuelle » - bien plus que « réalité virtuelle » - s’inspire du réel dans ses
capacités de mutation, d’adaptation, de réaction. C’est un infraréalisme ou réalisme des profondeurs qui exploite la générativité
et la réactivité du réel pour les charger de sens. Un monde orienté qui se distingue, dans l’intention, du monde réel : il a un sens. Et en
cela, il est plus humain... C’est aussi sa limite. |