La crise de nerfs du corps global
Un modèle organique du monde connecté
Par Maurice Benayoun
publié dans Actes Futur en Seine 2009 Le Futur de la Ville Numérique editeur: Cap Digital, novembre 2010
Dans le cadre de Futur en Seine
Engagé dans plusieurs projets conjuguant création, innovation technologique et innovation sociale, le CITU tente d’ouvrir des voies dans la compréhension des mutations en cours et dans l’appropriation consciente des technologies par les citoyens et les artistes. Deux de ces projets : TelescopeRA, télescope de Réalité Augmentée qui accompagne le regard porté sur la ville, et la Montre Verte, capteur individuel pour une cartographie environnementale dynamique et participative, témoignent d’enjeux qui dépassent le challenge technologique pour interroger les mutations profondes de nos espaces informés. Ces expérimentations qui prennent la forme de prototypes susceptibles de donner lieu à une véritable exploitation industrielle, s’accompagnent d’une réflexion qui en détermine l’orientation initiale, les choix technologiques, ergonomiques, esthétiques et anticipent leur impact sociétal.
Vivre la carte et lire la ville
Les technologies ont favorisé simultanément la fusion de la carte et du territoire et la porosité informationnelle de l’espace urbain. Vivre la carte et lire la ville sont devenus les deux faces d’une même activité. Les dispositifs mobiles se transforment en instruments de décryptage ambulatoire qui maintiennent le lien avec les réseaux physiques et donc avec le reste du monde connecté. Les tentatives se multiplient d’interprétation des indices localisés propres à l’espace informationnel urbain. Une des applications les plus médiatisées propose la superposition d’informations généralement graphiques sur l’espace physique tel qu’il est perçu par la caméra du dispositif mobile. Ceci est rendu possible par la conjugaison du GPS pour la localisation (approximative) et la boussole pour l’orientation, parfois combinés avec l’accéléromètre. Il s’agit là d’un complexe technologique qui tente de palier l’absence d’homothétie réelle entre espace physique et espace informationnel. On peut imaginer que l’amélioration en précision des dispositifs de localisation et d’orientation permettra de s’approcher de ce que l’on appelle la réalité augmentée, c'est-à-dire l’insertion de l’information de façon géométriquement cohérente dans l’espace physique ou dans sa représentation, actualisée en temps réel. Il est cependant de nombreux moyens de traduire une cohérence géographique de l’information sans contraindre à une gestuelle ambiguë difficilement compatible avec la réalité des pratiques urbaines. On imagine difficilement les rues traversées par des hordes de touristes, brandissant tels des Sherlock Holmes du XXIe siècle traquant l’indice dans l’interstice, loupe numérique en main, bras tendu vers les sujets d’intérêt. Le temps et l’usage finissent par avoir raison des procédés qui apportent plus par les questions qu’ils posent que par les solutions qu’ils proposent.
Application : Zoomer dans le temps
Afin d’examiner in situ le potentiel de « l’augmentation » du regard porté sur la ville nous avons procédé au développement d’un prototype de télescope - du type de ceux utilisés sur les sites remarquables pour explorer le paysage - doué de fonctionnalités informatives. Choisir une implantation fixe réduit considérablement la difficulté de la localisation. Quand ce point fixe se trouve sur la terrasse de l’Arc de triomphe à Paris, on le devine suffisamment lesté pour croire avoir résolu le problème de la stabilité du point de vue.
Il est une fonction que les télescopes touristiques optiques possèdent et qu’il est indispensable de re-produire :
- • Rapprocher : la possibilité de rapprocher optiquement le visiteur du paysage observé (ici le centre de Paris et une grande partie de l’agglomération parisienne). La camera vidéo permet d’assumer cette fonction essentielle en y adjoignant la possibilité de zoomer, donc de percevoir la ville à différentes échelles.
Au-delà des propriétés du télescope optique, il est une autre fonction propre aux belvédères que le télescope de réalité augmentée devait pouvoir assumer:
- • Désigner, Nommer, Interpréter : la table d’orientation, c'est-à-dire la possibilité de localiser, d’identifier et de nommer les points d’intérêts visibles. C’est ce qu’apporte la superposition de l’information graphique et textuelle sur le paysage.
Nous parlons de Réalité Augmentée quand l’information n’est pas seulement superposée mais intégrée au paysage. La rotation du télescope sur son axe déplace naturellement le champ de vision, mais elle doit nécessairement transporter simultanément et de manière indissociable le déplacement correspondant de l’information ajoutée.
Le fait qu’au travers du télescope le visiteur observe, non pas le réel cadré mais l’image du réel, permet des substitutions intéressantes. Le paysage filmé par la capture vidéo peut disparaître partiellement ou totalement au profit d’éléments du passé reconstitués.
- • Observer le passé : à sa place dans l’espace. Transposition temporelle. Depuis l’Arc de Triomphe on perçoit le Palais des tuileries, disparu au XIXème siècle entre le jardin du même nom et le Louvre actuel. On peut imaginer découvrir de ce point le Paris de 1806, date de la pose de la première pierre, ou celui du plan de Turgot (1736) quand l’Elysée n’était pas encore dans les champs du même nom.
De la même manière la possibilité de substitution crédible, permet d’envisager l’insertion dans le paysage de projets architecturaux à venir et tester ainsi son impact in situ et non seulement sur des images fixes.
- • Projeter dans le futur : Prospective urbaine, dans le cas d’école de l’Arc de Triomphe, cela peut permettre, à titre d’exemple, de tester l’impact qu’auraient des immeubles de grande hauteur dans la petite couronne ou un nouveau projet sur le site de la Défense.
Réalités mixtes et réalités de substitution
Au-delà de ces applications très attendues, de nouveaux usages naîtront de ces regards augmentés. Plus qu’un télescope de réalité augmentée, TelescopeRA a été développé par le CITU comme un laboratoire permanent établit grâce à la complicité du Centre des Monuments Nationaux au sommet de l’arc de Triomphe, il devient un observatoire des pratiques scopiques urbaines. Nous anticipons, et c’est là le motif de la recherche, des usages déviants. Réalités mixtes et réalités de substitution, les représentations peuvent être affectées par la subjectivité, l’imaginaire, l’intention symbolique, l’appropriation artistique. C’est le réalisme de la représentation augmenté de la légitimité de la chrono-géolocalisation qui donne un statut particulier au propos. Le « ça a été » de Barthes écrivant sur la photographie devient le « c’est ici et maintenant » du discours hybridant le réel environnant et l’information mixées. Quand, dans la réalité augmentée, le propos énoncé s’interpose entre l’observateur et son environnement, et que de surcroît il est affecté par une réalité externe (ailleurs et maintenant) s’infiltrant par le biais du réseau, le spectacle informationnel porte une autre valeur. Il témoigne de la complexité des interpénétrations des couches de réel, chacune prétendant à la légitimité, et se disputant entre elles l’attention du visiteur.
Application : la météo émotionnelle
Un projet, très tôt énoncé, en relation directe avec nos recherches sur la Mécanique des émotions , est la substitution du ciel observé par le télescope par une représentation graphique de la météorologie émotionnelle des parisiens. Pourquoi les cirrus, les stratus et les cumulo-nimbus seraient-ils uniquement asservis au baromètre ? Que se passerait-il s’ils reflétaient l’état émotionnel exprimé par les citoyens ? Imaginons qu’en se levant le matin, le parisien déclare, via son téléphone portable, son état psychologique. Sur une échelle de 0 à 9, il donnerait à lire son ressenti du moment. Imaginons que la moyenne de ces déclarations détermine par quartier l’aspect du ciel, les nuages et le brouillard, la pluie et la grêle. De la terrasse de l'Arc de triomphe on pourrait observer le paysage urbain dont la météorologie changerait selon les quartiers. Le 5e arrondissement dans le brouillard, le 13e sous le soleil et le 8e désespérément pluvieux. On l’aura compris, l’objectif n’est pas de faire un « monitoring » objectif de l'état émotionnel des parisiens mais d'affirmer l'autonomie de la représentation par rapport à l'injonction réaliste qui semble hanter le monde de synthèse. Le réalisme de la vision réside ici dans la traduction d'une réalité urbaine incontestable: sa dimension humaine.
Quelle que soit la valeur d'un tel projet sur le plan artistique comme tentative de représenter le monde, le processus expérimental pourrait générer sinon un "effet" de réalité, au moins un effet miroir susceptible d'affecter le sentiment d'appartenance des habitants des quartiers concernés. En effet, on imagine que l'habitant du 19e arrondissement, déclarant le matin son humeur maussade, observant par la suite, sur Internet, l'impact météorologique sur la vision urbaine, puisse se faire la réflexion qu'il est bien dommage que son quartier soit représenté sous la pluie alors que le soleil brille ailleurs, puisse encore s'interroger le lendemain matin sur la réalité de son désarroi et même, tout bien considéré, se trouver alors de bien meilleure humeur que la veille. Sa déclaration, comme celle de ses voisins, améliorerait progressivement le climat local et modifierait par la même occasion la perception qu'a chacun de son état d'âme matinal.
La boucle de rétroaction induite par le dispositif serait comparable à celle dont ferait l’expérience la même personne qui, se regardant dans le miroir, trouve son expression peu engageante, esquisse alors un sourire plus amène, et constate ensuite que les personnes qu'elle croise sont plus souriantes à son égard. Elle s'en trouve réjouie et arbore dès lors une expression de satisfaction légitime.
Il s’agit d’une forme d’impact émotionnel qui affecte la subjectivité, composante incontestable de notre interaction avec l’environnement humain.
Sapiens<->sapiens
Le Télescope met en scène le regard sur la ville. Il révèle, dans sa mise en réseau le potentiel d’une approche interconnectée des processus de capture, de perception et d’interprétation des réalités urbaines. Si la vue est le sens dominant mis en œuvre dans la perception de notre environnement, il n’est pas suffisant pour rendre compte de la relation de l’individu à la ville qu’il habite ou qu’il visite. Alors que les entités vivantes, pensantes et communicantes (homo sapiens<->sapiens) se retrouvent foncièrement interconnectées, et que la chaîne qui lie perception–réception-interprétation–transmission–retour du collectif–décision–action est suractivée par les réseaux, il convient de repenser la relation singulière qui lie chaque individu à l’ensemble de l’humanité connectée.
Le village global
Comme le suggérait McLuhan à qui l’histoire a donné raison en des formes détournées, les moyens de transport et de communication ont fait évoluer notre perception du monde en réduisant la planète à l’échelle du village. Les notions de proximité, de visibilité, d’accessibilité sont altérées lorsque tout point de la planète peut être atteint en un jour. Un jour pour Napoléon, c’était l’unité temporelle de mesure de l’espace administratif, ce qui a permis à délimiter le contour des départements. Cette frontière spatiotemporelle englobe maintenant la totalité de la planète. Du département à la planète, ce sont les notions d’individu, de voisin, de peuple, de nation, qui se retrouvent en permanence rediscutées.
Le corps global et le système nerveux planétaire
La multiplication des réseaux connectant les individus a opéré une autre mutation. C’est maintenant l’ensemble de humanité aux cellules interconnectées qui constitue un véritable corps global dont le réseau constituerait le système nerveux. Comme toujours la métaphore à ses limites, celle du système nerveux global prend cependant tout son sens dans le fait que chaque individu devenant potentiellement émetteur dans le système informationnel planétaire, il joue le rôle de la terminaison nerveuse. Il traduit, à chaque émission d’information, le vécu spécifique d’un point du globe. Si pour les sensualistes (Condillac) la sensation précédait l’intelligence, ce serait bien le développement d’un système perceptif global qui permettrait l’émergence d’une cohérence planétaire en attente d’une véritable intelligence distribuée, condition nécessaire d’une individuation de l’humanité elle-même garante de sa survie au sein de l’écosystème qu’elle tente de contrôler.
Les conséquences de cette évolution son nombreuses.
L’individu et l’environnement
La notion de corps global renvoi directement à la relation de l’individu à son environnement. C’est la consolidation des échanges qui crée une hypersensibilité de l’humanité à son environnement. La prise de conscience des interactions entre les actions locales et les conséquences planétaires est directement issue de la confrontation en temps réel des retours informationnels (feedback).
La couverture du système (les membres fantômes)
Nous comprenons ainsi qu’une perception globale de la planète est possible en considérant l’ensemble de l’information produite en réaction aux situations individuelles et collectives. Or toute l’humanité n’est pas émettrice. Un corps dont les parties ne seraient pas toutes sensibles risque des accidents qui pourraient affecter la totalité du système un peu comme si un membre ou un organe (selon la fonction de cette partie dans les échanges planétaires) était insensible et ne pouvait témoigner des troubles qui l’affectent. La gangrène pourrait se répandre sans qu’aucune réaction curative n’ait pu être appliquée. Contrairement au membre amputé dont on sent toujours la présence, c’est un membre présent dont on ignore l’existence.
Le cerveau distribué
L’ensemble des informations perceptives émises par les individus, constitués ou non en groupes, n’est pas transmis à un système central de régulation et de prise de décision mais à l’ensemble du corps qui peut s’organiser en instances de relais d’information, de prise de décisions et d’action pour déterminer la réaction appropriée.
Le risque parfaitement dénoncé par Paul Virilio serait une forme de surréaction, ce que l’on pourrait assimiler au choc anaphylactique. L’organisme préalablement sensibilisé par un premier choc pourrait s’asphyxier pour tenter d’endiguer une deuxième agression. L’histoire récente fourmille d’exemples de telles réactions. C’est la dispersion des instances de décision qui en limite le risque, c’est cette même dispersion qui rend difficile l’application de réactions concertées.
La convertibilité de la perception.
La convergence des bases de données permet une meilleure évaluation des indices produits par les terminaisons nerveuses. Cependant les informations émanant des individus sont rendues difficilement interprétables dans la mesure où elles s’adressent à une fraction limitée du système et à ce titre ne nécessitent pas de formatage ou de calibration de l’information.
La calibration de l’information
Il devient intéressant d’imaginer, en prenant bien en compte les risques afférents à l’autonomie et la liberté des individus, comment permettre aux citoyens de participer à la collecte non centralisée d’informations habituellement réservées aux autorités territoriales et politiques. Les mesures de pollution, de bruit, de température, de luminosité d’humidité, des champs électromagnétiques, deviennent un bien collectif appréciable au service de la prise de décision individuelle ou collective. Chacun peut décider de participer à cette collecte d’information utile à tous, exploitant à cette fin un terminal adapté, terminaison nerveuse calibrée.
Application : La Montre Verte
La Montre Verte représente une tentative, certes pour l’instant limitée dans son ampleur, mais pertinente sur le plan expérimental. La Montre Verte a été pensée comme un dispositif individuel destiné à être porté par les citoyens afin de les faire participer à la mesure des facteurs de pollution urbaine. Pour faciliter son adoption par un grand nombre d’utilisateurs, condition nécessaire à la validation de l’expérience, nous l’avons imaginé sur le modèle d’un objet familier: la montre. Le dispositif se devait de remplir non seulement les fonctions usuelles (donner l’heure) mais aussi les fonctions de capture environnementale. Il s’agissait d’étudier l’impact d’une capture environnementale distribuée. Que se passerait-il si l’information sur la pollution n’était pas aux mains des instances territoriales mais distribuée entre les habitants souhaitant contribuer à sa mesure ? L’impact de la démarche dépasse l’ambition technologique du projet. Il porte avant tout sur celui qui s’engage dans la mesure. En effet, une des hypothèses que le projet cherche à vérifier concerne la possibilité d’infléchir par la sensibilisation le comportement des utilisateurs devenus simultanément acteurs et observateurs du phénomène.
La représentation cartographique
Les données répercutées par les individus ne sont susceptible d’une interprétation qu’en passant par une forme aisément interprétable de représentation. L’information localisées prend tout naturellement sa place sur une carte, elle-même représentation graphique du territoire. Représentation spatiale (cartographique) et temporelle (temps réel d’acquisition, représentation accélérée de l’évolution dans le temps des captures…) convergent pour fournir un ensemble de données interprétables par tous permettant la prise de décision collective (politique) et individuelle (confrontation dans la sphère privée des perceptions biométriques avec les données environnementales).
Application : Les données produites par La Montre Verte alimentent, via le téléphone mobile, les bases de données environnementales et donnent lieu à des représentations cartographiques dynamiques bien différentes de celles habituellement fournies par les organismes officiels. La différence réside dans la fréquence des mesures, la dimension temps réel de la mise à jour, la localisation de la capture effectuée à hauteur d’homme - donc à proximité des populations effectivement concernées par ses conséquences. La carte est utile pour que les usagers puissent se représenter les résultats. Elle est aussi utile à une prise de décision médiatisée par les outils de navigation. A titre d’exemple, on pourrait imaginer de demander au navigateur GPS, utile à la navigation urbaine, de choisir non seulement les itinéraires les plus rapides, mais aussi les moins encombrés, et encore mieux les moins pollués. Ce choix prend tout son sens pour l’automobiliste éco-responsable qui ne veux pas ajouter à la misère environnementale, mais aussi pour le piéton qui prend en compte la qualité de son environnement dans son expérience de la ville, et enfin pour le cycliste ou le jogger qui ne veut pas que sa pratique, poussant naturellement à l’accélération du rythme respiratoire, n’ait des conséquences néfastes sur la santé.
Chacun est récepteur des facteurs environnementaux, contribue à affiner les représentations, soutien la prise de décision collective, profite en retour des résultats pour les prises de décision personnelles.
Partager, mais préserver
Il convient de faire la différence entre les informations susceptibles d’être partagées et celle dont l’usage doit être réservé à l’individu concerné. S’il est intéressant de partager les mesures de pollution afin d’en établir en temps réel une représentation publique, il peut être plus discutable de partager à grande échelle des informations biométriques bien que celles-ci puissent, en corrélation avec les données environnementales, faciliter la prise des décisions de survie personnelle. Ainsi, faisant son jogging quotidien, l’individu pourra confronter son rythme cardiaque au taux de CO2 afin de surveiller la dangerosité de la pratique. Il serait plus discutable que ses données cardiaques soient utilisées par d’autres afin de déterminer la validité d’une police d’assurance ou la pérennité de son emploi.
La peau informationnelle
Pour filer la métaphore du corps global en restant dans les limites de la pertinence acceptable, le système de capture de l’information extérieure fonctionne vis de l’individu, comme la peau pour le corps humain. La peau protège l’individu des intrusions extérieures. Néanmoins elle reste perméable aux informations susceptibles de l’intéresser dans la mise en œuvre des stratégies de survie. Pour cela elle est équipée de capteurs/récepteurs qui constituent le système fonctionnel des 5 sens, nécessaires, dans leur complémentarité, à la prise de décision et à l’action individuelle.
Le système de capteurs artificiels qui peut accompagner l’individu dans une meilleure perception de son environnement, notamment dans une perception qualifiée, interprétable et transmissible de l’environnement extérieur, joue le rôle d’une peau informationnelle.
Affichage et intériorité informationnelle
Cette peau informationnelle doit assumer l’ensemble de ses fonctions et donc faire la différence entre intériorité et extériorité, vie privée et vie publique, données entrantes et données sortantes. La peau humaine sait s’orner de maquillage, de tatouages, de vêtements et d’accessoires, de parfum et d’expressions, qui contribuent à la transmission d’informations choisies comme autant de surfaces d’affichage qui viennent compléter les fonctions d’extériorisation (qui comprennent aussi la voix, la température, la transpiration, l’odeur…). De la même manière la peau informationnelle doit être complétée par des systèmes d’extériorisation, d’affichage, de transmission et de dialogue. Elle ne doit pas pour autant oublier les fonctions de filtrage contrôlant les intrusions potentiellement indésirables dans la sphère privée telle que désormais peut la définir l’utilisateur qui devient maître du périmètre préservé. On pourrait parler d’intériorité informationnelle.
Cette peau informationnelle devient un organe complet de perception et de transmission, qui traite les échanges entre l’intériorité préservée et l’écosystème ambiant en maintenant la cohérence sociale, facilitant les transactions d’individu à individu, et donc la capillarité informationnelle nécessaire au bon fonctionnement du corps global.
Maurice Benayoun, mai 2009 – juin 2010
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