Highscreen d’Aram Bartholl : Mise en veille interrompue

Highscreen d’Aram Bartholl : Mise en veille interrompue

Entre performance et art visuel, l’artiste allemand Aram Bartholl montre avec Highscreen sa capacité à se réinventer tout en restant en cohérence avec l’ensemble de son oeuvre.

Questionnant de nouveau les relations entre le monde numérique et la réalité, il redonne vie, quelques minutes durant, aux écrans cathodiques abandonnés dans les rues de Berlin. Comme un dernier souffle de vie avant l’oubli…


Aram Bartholl fait partie de ces artistes qui ont le vent en poupe. Cet allemand de 39 ans s’est récemment fait connaître aux yeux du grand public avec son projet Dead drops, sorte de « peer-to-peer » des rues. L’idée consistait à créer un lieu d’échange matériel en cimentant des clés USB dans des murs, des poteaux ou même des arbres, accessibles à tous. D’abord localisé à New-York où il était en résidence, le projet s’était ensuite étendu à des villes comme Barcelone, Belgrade, Rome ou encore Paris. Nous étions alors en 2010 et l’artiste signait là son œuvre la plus médiatisée.

Un an plus tard, on le retrouve dans un projet plus modeste, Highscreen, une œuvre de commande pour Arte Creative, la plateforme de la chaîne franco-allemande destinée à l’art et aux médias de demain lancée début 2011. Il s’agit d’une intervention urbaine qui vise à redonner vie aux écrans cathodiques abandonnés dans les rues de Berlin en y projetant de l’art internet avant qu’ils ne disparaissent totalement. Connectés à un ordinateur portable et alimentés par une batterie externe, les moniteurs diffusent chacun une œuvre différente : 404 de JODI (1997), C.R.E.A.M. de Evan Roth (2010), therevolvinginternet.com de Constant Dullaart (2010), et Super Mario Clouds de Cory Arcangel (2002).

Bartholl procède à la manière d’un chirurgien, utilisant toujours le même procédé pour réaliser ses interventions. Le premier temps est marqué par la performance pure : l’artiste trouve le moniteur, lui insuffle la vie lorsqu’il le peut à l’aide de ses moyens techniques. L’objet est sacralisé : il ne le touche pas, ne le déplace pas mais se contente simplement de faire passer une œuvre à travers l’écran. Puis, l’artiste disparaît et laisse l’objet seul animé ; son œuvre s’autonomise. Alors se laisse entendre un bip constant qui vient marquer le caractère éphémère de l’œuvre et signer la mort définitive de l’écran cathodique. Cependant, cette performance éphémère est immortalisée dans une vidéo réalisée par l’artiste lui-même qui vient marquer la quatrième phase de son travail.

Comme souvent dans ses travaux, Aram Bartholl questionne les relations entre le monde numérique et la vie de tous les jours. Il engage une réflexion particulière sur la grande toile et ses ressources mais nous interroge également sur nos pratiques de web addict. Grâce à cette création, Bartholl montre à quel point il est possible de hacker l’espace public avec de vieux moniteurs qui sont pourtant sensés ne plus rien représenter – puisqu’il sont destinés à être détruits. Les quelques passants qui se penchent la performance de l’artiste sont interloqués, surpris par cet objet, le regardant comme s’il leur était étranger alors même qu’il est au cœur de leur vie. La diffusion de l’art internet via son principal média qu’est l’écran, mais de manière complètement décontextualisée, forme une nouvelle œuvre à part entière. Le choix des net arts diffusés s’inscrit dans ce procédé puisqu’elles jouent sur les symboles de la culture populaire informatique : le célèbre message d’erreur 404, la page d’accueil de Google ou encore le jeu vidéo Super Mario. Le travail de Bartholl relève donc à la fois de la performance mais également de l’art visuel.

En savoir plus :
Dead drops (2010) : deaddrops.com
Highscreen (2011) : sur le site d’Arte Creative

Crédits photographiques : Aram Bartholl from Aram Bartholl: The Speed Book, Copyright Gestalten 2012

Cette entrée a été publiée dans Arte Creative, Net Art, Performance. Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>