Stelarc : Body Art numérique

La troisième oreille : une ouïe pour le web

Artiste australien né en 1946, Stelarc réalise des performances d’art corporel numérique. Considérant son corps comme un champ d’expérimentations, il l’abandonne à la technologie, ajoutant des prothèses contrôlées par ordinateur, transformant son corps en hybride aux pouvoirs élargis par la technique.

Considéré comme « un artiste post-humain », Stelarc questionne la relation homme-machine en incarnant un homme bionique, le « cyborg » de la société post-industrielle. Deux œuvres à découvrir : Ping Body et la troisième oreille.

Figure majeure du Body Art, Stelarc (pseudonyme de Stelios Arcadiou) a commencé par des suspensions dans les années 1976-1985 : le corps, transpercé par des hameçons, est suspendu en hauteur, dans un espace d’exposition ou dans la ville, hissé par une grue, ou encore face à l’océan, balloté par la bourrasque. L’artiste semble ainsi nier le corps pour affirmer la puissance de l’esprit libéré de ses attaches terrestres. Puis, considérant le corps comme simple accessoire, il le transforme en hybride par des prothèses branchées sur ordinateurs. C’est d’abord un troisième bras articulé, dont les mouvements interagissent avec de l’une de ses jambes, puis Ping Body, où le corps interagit par des électrodes avec des informations venant du web.

Ping Body : quand le web commande le corps

Présentée la première fois le 10 avril 1996 au Artspace de Sydney, Ping Body est l’une des performances les plus célèbres de Stelarc. L’artiste se présente sur scène, nu, le corps bardé d’électrodes reliées à Internet par un fouillis de câbles. Ces composantes électroniques reçoivent un « ping » provenant de bornes mises à la disposition du public dans différents musées à Paris, Helsinki et Amsterdam. Le ping consiste à envoyer des données sur le réseau, d’un ordinateur vers un autre, pour détecter la présence d’une machine.

Dans l’installation de Stelarc, ces signaux, émis par l’activité Internet (pinging), sont transformés en décharges électriques qui influent sur les mouvements du corps de l’artiste. Stelarc abandonne ainsi une partie de son corps à la technologie dans une chorégraphie aléatoire et expérimentale. L’homme est manipulé par la machine et non plus l’inverse. Devenant un outil de la technologie, il pose la question de l’avenir de la relation homme-machine. Une relation qui nous interpelle de plus en plus dans les médias actuels comme dans les films Matrix ou Robocop.

La troisième oreille : une ouïe pour le web

La troisième oreille : une ouïe pour le web[/caption] 

« Tous mes projets et performances se penchent sur l’augmentation prothésique du corps, que ce soit une augmentation par la machine, une augmentation virtuelle ou par des processus biologiques, comme l’oreille supplémentaire, ce sont des manifestations du même concept : l’idée du corps comme architecture évolutive et l’exploration d’une structure anatomique alternative. » (Libération, 12 octobre 2007)

Après le troisième bras articulé et les exosquelettes, Stelarc s’est fait implanter en 2006 une troisième oreille dans le bas à partir d’un cartilage, une sorte de structure poreuse qui permet aux cellules de la peau de pousser à l’intérieur, l’oreille finissant ainsi par faire biologiquement partie de son bras. Il souhaitait ainsi diffuser son ouïe sur le web en intégrant un microphone à cette oreille. L’objectif de ce dispositif était de permettre aux internautes d’entendre ce que l’artiste perçoit en temps réel. cependant Stelarc a dû retirer le microphone à cause d’une infection qui lui aurait fait perdre le bras. Mais, avec cette oreille incorporée, il a démontré qu’il est possible de fabriquer des organes additionnels que l’on peut mettre en relation avec le monde extérieur via l’Internet.

A l’occasion de l’Edinburgh International Science Festival (EISF) en avril 2009, Stelarc a présenté cette performance en indiquant vouloir se faire entendre partout dans le monde. Ainsi « quelqu’un à Venise pourrait entendre ce qui se passe à Melbourne ».

Crochets, électrochocs ou implants, Stelarc n’hésite pas prendre des risques, à malmener son corps, voire le mettre en danger. C’est ainsi qu’il explore l’instrumentalisation croissante dont le corps fait l’objet. Actuellement, il s’intéresse à une technique de prototypage rapide permettant d’imprimer des organes en 3D, les cellules vivantes remplaçant l’encre.

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