Hiroaki Humeda, « Haptic Installation Version » : expérimenter la lumière

Hiroaki Humeda, « Haptic Installation Version » : expérimenter la lumière

La lumière occupe une place essentielle dans l’art du chorégraphe japonais Hiroaki Umeda : il la travaille comme un moyen de transmettre la danse. Dans Haptic Installation Version (2010), une installation visuelle et sonore présentée du 10 au 20 mars 2011 au festival d’art numérique EXIT 2011, l’artiste propose d’expérimenter une sensation physique : « sentir la lumière les yeux fermés ».

En tant que chorégraphe, Hiroaki Umeda a constaté le rôle décisif de la lumière dans la création de ses spectacles de danse. Pour transmettre sa fascination au public, il a souhaité « travailler la lumière comme une sensation physique » autour du concept qu’il nomme le « toucher de la lumière ».

Une expérience visuelle et sonore

Le dispositif se compose d’une boite noire, renfermant un stroboscope, avec une ouverture qui laisse fuser le faisceau lumineux. On ferme les yeux, la tête positionnée dans l’axe. La lumière, puissante, est projetée directement sur les paupières fermées du spectateur, qui est alors utilisée comme un écran. Un casque audio diffuse une bande sonore qui accompagne l’expérience visuelle. Il existe une version monochrome noire et une version couleur, chacune d’une durée de 2mn30. « L’un met l’accent sur les variations d’intensité et l’autre sur les fréquences » précise l’artiste.

Plongé dans un noir total, les seuls stimuli qui parviennent au spectateur émanent du casque et construisent un univers sonore composé de bruits numériques et artificiels. La position assise et la fermeture des yeux révèlent au spectateur et sa vulnérabilité et son abandon à l’œuvre, qui lui obligent à faire confiance à l’artiste et croire au caractère inoffensif de son installation. La lumière arrive alors, puissante, choquante, épileptique. La chaleur de la projection sur les paupières en simultané des déplacements de la source lumineuse crée une sensation physique de présence de la lumière. Les variations d’intensité se succèdent, certaines apaisantes, d’autres crispantes ; la perte des repères sensoriels familiers provoquent une immersion totale dans le voyage quasi-spatiale que nous propose Umeda.

On a davantage ressenti que vu, l’expérience sensorielle a pris le pas sur l’observation optique. L’expérience relève bel et bien du “Haptic”.

Regarder l’œuvre les yeux fermés

« L’haptique désigne la science du toucher, par analogie avec acoustique ou optique. Au sens strict, l’haptique englobe le toucher et les phénomènes kinesthésiques, c’est-à-dire la perception du corps dans l’environnement. » (Wikipédia)

Dans notre vie quotidienne nous sommes habitués à tout faire les yeux ouverts. Il y a une prééminence de la vue par rapport aux autres sens dans la plupart d’activités que nous faisons chaque jour.  L’art haptique est une opposition à l’art optique. Ce type d’art nous propose un modèle diffèrent de sentir l’art, et ouvre de nouveaux portails d’accès à des sensations.

Haptic est une installation qui nous confronte à une situation totalement inédite de « regarder » une oeuvre avec les yeux fermés, et nous montre qu’il existe plusieurs façons d’apprécier l’art, beaucoup plus loin de ce que nous voyons.

La musique ne joue pas un rôle secondaire : elle guide en tout moment la lumière et donne aux spectateur une immersion plus profonde au sein de cette œuvre. Il y a des séquences différentes et des séquences répétitives qui sont présents le long de la représentation. Chaque spectateur peut les interpréter à sa propre façon et il peut trouver la manière de traduire leurs intensités et fréquences.

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