On sait combien le graffitiste doit luter avec la pesanteur pour accéder à des surfaces dignes d’être taguées. Ce sont des surfaces réputées inaccessibles, donc moins bien protégées, et visibles de loin comme tous les objets élevés dans le paysage urbain.
Il suffit de détacher l’outil de la main pour ne pas avoir à déplacer le corps. Le dirigeable aisément bricolé à partir de composants du commerce, peut véhiculer la peinture et une version améliorée de l’aérographe (le bien nommé). Le manipulateur expérimenté pourra ainsi, à distance et en toute impunité, signer le monde pour échapper au néant qu’entretiennent la pesanteur et la multiplicité des corps pensants.
Une variante amusante, dans la droite ligne de la Mémoire rétinienne collective (Art Impact, So.So.So.) me pousserait à imaginer que la chose volante puisse fonctionner comme un système de surveillance et de projection. Une micro camera sur le dirigeable prélèverait un fragment de l’image du monde pour le projeter en quadrichromie sur la surface disponible. Juste retour du monde à la surface des choses en guise de mémoire redistribuée.
Une image, un tableau dans un espace public qui ne devient visible que lorsque personne ne parle proximité. Il s’efface lorsqu’une voix s’élève. Il énonce par son comportement les conditions de son appréciation. La visibilité de l’image est inversement proportionnelle au bruit environnant. Appliqué à la publicité urbaine le principe contredit la stratégie du phatique. L’interpellation n’est plus le moyen d’imposer l’image au regard du passant. Celui-ci, dans le doute, se verra obligé d’interrompre le cours de sa vie pour prendre connaissance d’un message dont il décidera s’il en est ou non le destinataire. La structuration de certains réseaux de communication est fondée sur ce modèle : chacun émet pour tous, seul le vrai destinataire “écoute”.
Première tentative de Virtually Revisited Art.
Je propose de prendre Jackson Pollock comme cas d’école :
L’apport de Pollock porte essentiellement sur le rapport à la surface (All Over), l’implication du corps (gestuelle) et la revendication de la matérialité du médium (Dripping).
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Blake’s palette (from rochester.edu)
Il y a la même obscénité dans le fait de donner à voir (à lire) les projets rejetés qu’à exposer la palette de l’artiste peintre.
Ce sont bien les couleurs choisies et préparées par le peintre que l’on voit, mais justement celles qui n’ont pas fini sur la toile. Candidate à la consécration, la pate est en reste, fixée sur un support d’oubli qui est simultanément le tremplin des couches supérieures, celles qui sont là au bon moment au point de convergence du désir de l’artiste et de leur consistance chimique et chromatique.
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