Évoquant la variante d’Hyper Potlatch, Florence Benayoun me dit : “c’est horrible !”
Cette réaction met en évidence une des propriétés du concept art : Il est une différence significative, au niveau du concept, entre écrire un projet et le réaliser ; ou plutôt entre concevoir un projet qui se réalise dans sa description et le concevoir en vue de sa réalisation physique. Au-delà de la difficulté de mise en œuvre, les moteurs symboliques dans les deux cas sont d’un ordre différent.
Le “concept project” n’implique pas nécessairement, en l’absence de réalisation, l’expérience physique de l’œuvre. Il y a une différence entre proposer d’inviter les enfants du tiers monde à patiner sur la compression d’un hypermarché et de le faire vraiment. L’intérêt critique de la proposition s’efface devant sa réalisation.
Le passage à l’acte, mise en œuvre littérale du concept, peut être la meilleure manière d’annuler le potentiel critique comme le cynisme est détruit par son application politique.
Le projet :
Faire un catalogue d’œuvres qui dans l’histoire de l’art auraient gagné en intensité à rester au stade du concept, voire qui ont été dénaturées par la mise en œuvre.
PS: Ceci n’enlève rien à l’intérêt de la compression d’hypermarché…
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Réaliser, pour achever le projet nouveau réaliste et le transcender dans sa dimension urbaine et sociale, la compression d’un hypermarché.
L’hypermarché Carrefour de Garges-Lès-Gonesse qui alimenta la poésie de mon adolescence transformé en une galette recouverte d’une épaisse couche vitrifiante.
La surface résultante, d’une transparence et d’une brillance parfaite conservera pour les temps futurs le témoignage d’une abondance au détail.
Vu la surface ainsi dégagée il conviendrait de lui donner une fonction:
Une patinoire pour les enfants du quartier.
Une variante pourrait être d’inviter les enfants des pays pauvres (”émergents”, en “accession à la richesse”…) à venir patiner gratuitement.
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Le “pense petit” est à la création et à l’œuvre de l’esprit en général ce que le “gagne petit” est à l’économie.
Il ne faut pas confondre le gagne petit et le miséreux. Le “gagne petit” attache plus d’importance au fait de gagner qu’à ce qu’il gagne. Le gagne petit peut être riche s’il pratique souvent. Le pense petit peut écrire ou produire beaucoup s’il s’y attèle avec persévérance. On dit alors qu’il est laborieux. Une tendance récente dans l’histoire de l’art attache une importance inattendue à la pratique qui consiste à réduire l’ambition du projet très en deçà des limites de l’aisément atteignable. Là où personne avant n’avait pensé à placer la barre : tellement bas qu’on ne peut, en passant dessous, la franchir qu’en rampant.
Ceci est donc un projet de carrière d’artiste : Placer la barre le plus bas possible (au propre comme au figuré) de manière à pouvoir la franchir par en dessous sans la toucher, et toucher alors un public avide de performances vaines.
Suivre un régime strict qui permette d’améliorer constamment sa performance.
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De nombreuses études (que bien entendu je n’ai pas lues) tentent d’établir des courbes de la créativité. On y observe que celle-ci se réduit avec l’âge. Faut-il considérer le Dump et toute pratique équivalente comme une épargne retraite de la créativité ?
Toujours ça qui échappera aux fonds de pension.
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Le Liminal n’est pas le propre des arts visuels. Le même projet (Eleate Painting) est applicable à la musique, dont la texture (cf. Granular Synthesis) peut laisser supposer l’émergence de formes qui tardent à s’offrir, comme un éternel renoncement à se laisser appréhender, un jeu de cache-cache entre le récepteur et la matière sonore laissant le cerveau faire le guet en vain à la porte définitivement entrouverte du discernement.
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Que serait une forme qui n’en finirait plus de tenter d’émerger de l’indéterminé ?
Une matière, une image dont les contours, en perpétuelle quête d’apparition, resteraient toujours un pas en deçà de l’identifiable et du reconnaissable.
De l’in-formation inachevée, de la virtualité en mal d’actualisation. La mise en scène du devenir dans son perpétuel inaccomplissement.
Une Å“uvre qui refuse perpétuellement de se donner, en restant au stade de la promesse ne peut qu’exploiter la frustration comme stratégie de séduction.
Le projet contiendrait par nature un véritable pouvoir de fascination. Le cerveau tout près de l’intelligible ne peut se résoudre à renoncer de renouer les fils mouvants du sens.
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Dans la texture urbaine, les zones de passage entre public et privé, individuel et collectif, intérieur et extérieur sont rarement dénuées d’ambiguïté. La ville est le résultat de cet équilibre instable.
Le projet consiste à matérialiser ces débordements en un territoire à la texture fluide. Partant de l’encadrement des fenêtres d’un immeuble, des tubes textiles rectangulaires prolongent dans la rue les volumes supposés intérieurs. Ces tubes sont maintenus en suspension dans l’espace urbain par la pression de souffleries puissantes. Ils vibrent à ce vent de synthèse comme soumis au vertige d’un statut illégitime, usurpation insouciante de l’espace public.
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Write a book about art after technology. Technologies have become part of our daily life. Nothing new anymore! The relation to our environment, communication, consumerism, entertainment, stock exchange, writing, painting, loving… everything has been altered in a way that will take time to figure out.
And now what?
Artists can use or not, take into account or avoid, talk about or superbly ignore the digital flooding but they all will be wet for ever.
And, even if the neo-luddist next generation decides to opt for a digi-free world, it will smell a little bit.
Players : Delphine Fabbri-Lawson, Jean Corréard
Les esprits les plus sensés ont compris depuis longtemps qu’il importe peu de produire une œuvre significative, voire d’explorer des sentiers en friche, il est en revanche primordial de « faire art contemporain » comme le rappelait fort à propos un commissaire du centre Pompidou. On ne mesure jamais assez la portée de cette réflexion. La reconnaissance est la base de l’acceptation par le milieu, elle passe donc par la production des signes minima de respect de la norme implicite. Inutile alors de s’étonner de réactions de rejet qui relèvent non du rationnel mais de la nécessité de protéger tout ou partie des règles qui définissent le cadre institué dans lequel l’art peut se mouvoir en toute quiétude.
Il importe alors d’identifier les propriétés limites de ces signes extérieurs de contemporanéité qui font qu’immédiatement un critique, un commissaire ou un collectionneur se sente en terrain connu avec juste ce qu’il faut de frisson pour entrevoir un danger possible, certes existant mais qui ne saurait atteindre ni le corps ni l’esprit de celui qui le pressent.
Parmi ces attributs légitimant, certains traits constituent une forme de permanence qui leur octroie une pertinence durable.
Dans un autre registre, l’usage en agroalimentaire des aromes, qui conforte le consommateur dans l’idée que ce qu’il mange contient de la fraise authentique, fraichement cueille avec cet indéniable gout de terroir qui caractérise le produit de culture biologique de bon aloi, est de cet ordre.
Je propose de rechercher l’équivalent artistique et d’en faire l’œuvre, d’atteindre ainsi l’essence de l’art contemporain.
Parmi les huiles essentielles de l’art contemporain, j’écarte d’emblée le parfum de l’huile de lin. Avec la térébenthine il marque trop l’exposition des années cinquante pour donner ce fumet actuel qui doit affecter toute tradition durable. L’odeur de peinture vinylique qui caractérise la white box fraichement rénovée est plus discrète et plus indéniablement présente dans les vernissages de bon ton.
L’huile essentielle “Art Contemporain”, pourra être distribuée en flacon de petite taille, au design ascétique, dans les boutiques des musées, ou mieux, chez les revendeurs de fournitures pour artistes.