Le devenir organique du monde
J’ai toujours cherché àtrouver du positif dans les limites. Adolescent, la myopie m’apparaissait comme un excellent moteur de créativité. Elle est encore –plus que jamais- pour moi un handicap béni comparable en cela aux limites d’une mémoire déficiente. Bien voir le présent dans tous ses détails me semble du même ordre que conserver la mémoire intacte d’un fait passé. J’ai appris àreconstruire le souvenir comme àinventer le présent qui m’échappait optiquement. J’associais àce processus de reconstruction la question du champ de vision, la myopie facilitant une perception syncrétique du monde et, partant, une perception plus globale des phénomènes observés. Je n’ai jamais pu vérifier cette intuition mais j’ai le sentiment de l’avoir vécue en continu. Un peu comme si la profondeur de champ optique était compensée par une largeur de vue. Comme si le manque de profondeur de champ mnémonique était compensé par la recherche de tendances identifiables qui permettraient de déduire d’une perception lacunaire l’information manquante; N’est-ce pas làl’équivalent des solutions techniques employées dans la correction d’erreurs pour les données numériques ?
Inter- et extra-polation.
Perception et mémorisation compensées par projection et prospection.
Dans le flou de vision, ce n’est pas une réduction d’information qui s’opère mais l’émergence d’informations de substitution, une vision palliative. Le chaotique àl’extrême. Alors que la structure cartésienne du construit semble céder sous la pressions et les tensions conjuguées de la pesanteur et de la digestion sociale, l’organique reprend le dessus. Pour la vision déficiente, isoler le détail, ce n’est pas mieux voir ce qui échappe mais, du fait de dissolution des formes qui résulte de l’agrandissement ; mieux percevoir ce que l’acuité perceptive aurait pu masquer par excès de détail. L’entropie sociale serait un retour de l’organique, de la matière organisée pour nier la règle, l’angle droit, l’homogénéité. La culture redevient vivante en laissant l’homme procéder àson propre effacement.
Le projet :
Traquer les modèles récurrents, en deçàdes seuils de la perception, par delàla physique, juste après, d’un juste retour des forces comme si les limites de nos perceptions donnaient àvoir le devenir des choses.
Ne prétend-on pas percevoir le lointain passé de l’univers en regardant plus loin le ciel ?
Des indices, des preuves, des fragments juxtaposés qui donneraient àlire l’histoire àvenir du sensible.