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13 septembre 2008

La Station bleue

Enregistré dans : light, architecture, curating — moben @ 1:00

Franklin Roosevelt

Paris, métro ligne 1. La station Franklin Roosevelt est en travaux sous les Champs Élysées. Considérée par beaucoup, lors de sa rénovation dans les années cinquante, comme la plus belle station du monde, elle était avec le temps devenue le témoignage le plus authentique de la capacité de la modernité à atteindre la désuétude la plus accomplie.

En 1999, avec Jean Nouvel, nous avions gagné le concours architectural pour sa renaissance. A l’époque nous avons conçu la Station Bleue. La station entière transformée en un monochrome IKB. Tout était bleu, y compris le carrelage « métro », le sol, le mobilier mais aussi la lumière éclairant la voie, le cœur mal-aimé des stations.

Le projet opérait une double alchimie :
Il donnait la vie à la station convertissant - dans l’esprit de ce que j’appelais ensuite le design comportemental - un lieu de vie statique dans son architecture en entité vivante animée par sa fonction. Tout, dans le son, l’image et la lumière, donnait à vivre le temps réduit de notre présence comme un moment rare. En refusant de chercher à s’effacer devant l’usager, défiant ainsi la lassitude née de l’inexorable répétition des fonctions quotidiennes, le projet magnifiait ces dernières. Attente, arrivée, départ… En image, en lumière ou en son le volume animé de la station reprenait vie à chaque apparition de la rame.

Une autre mutation inattendue : la station devenait un lieu de culture avec ses commissaires, désignés annuellement par un comité éditorial, qui invitaient les artistes à orienter la manière d’être de la station, la symbolique des rames, les irruptions synchrones de l’image qui leur léchait les flancs sur toute la longueur des quais.

On nous avait bien dit que supprimer l’affichage publicitaire et surtout (!) la boutique de vêtements Pekka qui occupait petitement le centre du quai pourrait poser un problème pour l’équilibre économique au projet. On nous disait aussi que ces espaces publics, dédiés à l’attente et au transit, sont en quête d’une nouvelle légitimité qui sublimerait leur fonction initiale. Pour mémoire : Le métro symbolisait dans l’imaginaire des années 60 le commencement du cycle de l’aliénation (métro-boulot-dodo). Aujourd’hui, la consommation en sous sol du prêt à porter bas de gamme légitimerait, au denier prés, la tectonique des strates sociales laissant le luxe se déployer allègrement à l’air libre.

L’histoire voulut que ce concept qui fête bientôt ses dix ans ne voie pas le jour. C’est ce qui me donne l’opportunité de livrer un projet, utopique par construction, à la Décharge qu’il n’aurait jamais su quitter.

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