un Générateur de Failles Psychologiques Integré
Conférence RIAM, La Belle de Mai, Marseille, 29 avril 2003
Performance de clôture
par Maurice Benayoun
Projet Z-A2100 – CITU
La performance est la présentation d’un projet de recherche technologique proposée en 2013 (soit 10 ans plus tard)
Présentée sur une estrade, projection sur tulle en avant scène des illustrations animées qui semblent flotter dans l’espace. Speaker en arrière de l’écran. Les projections se positionnent naturellement autour de lui en fonction de ses gestes.
Les citations postérieures à 2003 sont de pure fiction, mais certaines d’entre elles ont été prononcées à la date pré-dite par leur auteur présumé.
Le discours est partiellement improvisé, comme présenté par le directeur de la recherche d’un gros industriel de la domotique.
Il suit ce conducteur.
GFPI : Générateur de Failles Psychologiques Intégré
Projet de recherche pour RIAM 2013
(texte servant de base à l’improvision et de conducteur pour la déclenchement des animations)
INTRODUCTION
Depuis la présentation, il y a deux ans déjà, plus précisément en avril 2011, de l’état de nos recherches dans le domaines, nous pouvons confirmer que nous sommes allés au delà de nos objectifs.
Le projet que nous présentons aujourd’hui constitue un pas décisif dans la compréhension des enjeux du DLP.
Dans la droite ligne de ces recherches nous proposons le développement d’un
« Générateur de Failles Psychologiques Intégrées » ou GFPI.
Nous comprenons la perplexité des nouveaux venus sur le terrain du Daily Life Play (DLP).
Nos préoccupations actuelles résultent de la convergence de territoires originalement distants qui fusionnent les potentiels de disciplines aussi fondamentales que l’architecture, la domotique, la robotique, l’Intelligence Artificielle, le spectacle et le Live Play.
On a cru un temps que l’avenir du cinéma serait l’enfant illégitime du relief et de l’hypertexte, de la réalité virtuelle et du reality show, de l’image de synthèse et des snuff movies, bref : de l’Amérique et du numérique.
C’était sans compter avec le fabuleux développement du monde physique, l’infiltration progressive de notre environnement par l’intelligence programmée, l’évolution comportementale des objets de notre quotidien. C’était méconnaître le potentiel du réel comme matériau d’une fiction qui se confond avec notre propre vie. Ce passage que nous avons tous vécu comme une mutation profonde de l’immersion à la fusion représente probablement une des évolutions les plus révélatrices l’absorption de la fiction par le quotidien.
Il faut l’admettre : nous sommes passés directement de la société du spectacle à la scénarisation de la vie elle-même, de notre vie, mais avec les plus mauvais acteurs qu’on aurait pu imaginer ânonnant le plus mauvais dialogues qu’on aurait pu écrire.
The Show is Reality symbolically distorted
Le spectacle est un trouble symbolique de la réalité
J.-N. Portugal, G-narrative syntax and sexual disorders, 2008
L’état de l’art
Nous sommes revenus de ces égarements. Et le GFPI devrait contribuer à redonner à notre quotidien une réactivité stimulante propre à dérouter un « precog » 5dick d’opérette en mal de prédiction balisée.
Un environnement adaptatif
Nous nous sommes habitués durant ces cinq dernières années à vivre dans un environnement aux qualités d’adaptation de plus en plus spectaculaires. Le propre de ces technologies étant de devenir de plus en plus transparentes au fur et à mesure qu’augmentent leur pertinence et leur efficacité. Il n’y a plus, dans les choses qui nous entourent, un seul objet qui ne possède pas de propriétés réactives, plus ou moins complexes, destinées à satisfaire nos moindres désirs, formulés ou non. Je ne parle pas bien entendu de l’environnement nostalgique des collectionneurs fétichistes d’une quincaillerie hors d’age. Chaque objet se comporte donc comme une entité autonome, communiquant néanmoins avec les autres entités constituant la cellule vitale, le foyer.
Un environnement habité
Du Robot au Smart Object
La pensée est un état non stabilise du programme.
J.-N. Portugal, 2005
La distribution de l’intelligence s’est faite dans notre environnement selon une évolution qui n’était pas totalement prévisible. Là où l’on imaginait, dans les années cinquante du siècle dernier, des robots humanoïdes régler tous nos petits problèmes quotidiens, nous avons vu l’intelligence tout d’abord intégrée dans des unités de contrôle centralisées sur le modèle du Hal (St. Kubrick, 2001, a Space Odyssey), puis se sont développés les Smarts Objects (S.O.) à l’intelligence embarquée. Ces derniers communiquent via le réseau et sont capable d’exécuter de manière autonome la plupart des fonctions utilitaires que nous pourrions attendre d‘eux.
IPv8
Liste des adresses IP défile comme un compteur à partir de cette liste.
http://www.ntia.doc.gov/ntiahome/domainname/130dftmail/unir.txt
Dans le projet des anticipations du siècle dernier, l’approche d’une assistance humanoïde a donc cédé la place à une dispersion de l’intelligence, chaque objet assumant ses fonctions utilitaires couplées à des capacités adaptatives différenciées.
Hal, Ifbot, S.O. ou Robject
• (Ex. Ifbot) approche anthropomorphique le serviteur domestique
• Hal (Kubrick 2001…) l’intelligence centralisée
• Les Smart Objects, l’intelligence embarquée (distribuée)
Les dernières évolutions
Du Robjet à l’acteur d’ambiance
Progressivement les objets ont commencé à intégrer des caractéristiques réservées au comportement des êtres biologiques. Dans un premier temps ces comportements étaient intégrés à des objets simulant une présence humaine ou animale. Il a fallu l’expérience des environnements intelligents pour comprendre que l’objet pouvait intégrer ces fonctionnalités comportementales comme modalités de base de dialogue homme/objet.
Le Tamagoshi de notre enfance : l’utilisateur satisfait les besoins de l’objet
Le Robjet (robject) safisfait les besoins de l’utilisateur
De la fonction (exécution d’opérations prédéterminées) à l’objectif (objectif à atteindre et validation du résultat)
Les exemples du quotidien
– Le SCREEN multifonction, le réfrigérateur, l’unité de cuisson, affective chair 2010, le mobilier dynamique
Les Robjects de l’objet actif à l’objet intelligent
Sans qu’on semble l’avoir assumé, les objets sont devenus les acteurs d’un scénario simpliste : the adaptative way of life.
Le malaise des environnements hyper adaptatifs
Angela avant après
Les agents conversationnels graphiques ont atteint au cours de ces dix dernières années un degré de réalisme graphique impressionnant. La qualité de leur potentiel adaptatif dans la relation à l’interlocuteur est indéniable. Mais on sent toujours un certain malaise lorsque l’on est confronté à ces personnages qui trompent l’œil mais pas l’affect. L’histoire nous montrera qu’un Robjet peut être doué d’un quotient émotionnel (EQ) supérieur à celui des représentation humanoïdes. Le réalisme, parfois nécessaire, n’est pas toujours suffisant.
Des objets hyperadaptés : le Rev’Som et l’auto-zapping programmé des screens
Le réveil/sommeil qu’utilisent nos enfant, parviennent apparemment à les endormir en leur comptant des histoires, mais l’usure de modèles, quelques soient les vertus de la redondance et de la reconnaissance, l’adaptation des sujets à la réaction des enfants, créent un contexte de dépendance qui pourrait apparaître comme régressif. Le seul environnement qui satisfait totalement celui qui l’habite n’est il pas l’utérus maternel. La vertu pédagogique du Rev’Som est réduite à sa plus simple expression
Il faudrait que l’enfant puisse appréhender la résistance des êtres et des objets qui l’entourent. Pour cela nous proposons de permettre aux objets qui nous entourent de se construire une personnalité propre, refusant à l’enfant certaines choses qu’en d’autres temps ils leur auraient accordé. Pour ne prendre qu’un exemple, les adolescents, de nos jours, sont habitués à entendre, pour s’endormir, des histoires au contenu délicatement érotique, probablement adapté et riche d’enseignements. Cependant, par excès d’adaptation, rien ne prépare alors l’adolescent aux difficultés de la séduction et à la complexité des rapports humains touchant à ces sujets. La frustration parfois est le moteur de l’action.
Pour les programmes audiovisuels, il faudrait reconsidérer les fonctions d’auto zapping, voire les mettre en veille, le temps pour le spectateur de comprendre qu’un screen peut avoir sa personnalité et espérer un minimum d’attention le temps de pour le programme de terminer son propos. Donner une personnalité à l’objet, c’est en faire un facteur de socialisation, un outil d’éducation au savoir vivre. Le spectateur prendra alors lui-même la décision du changement de programme sans qu’on l’ait aidé à suivre sans discernement la ligne de plus grande pente.
Un environnement qui fait presque ce que l’on attend de lui, plus que ce que l’on espère, autre chose que ce que l’on imagine. Il est un moment ou en faire moins c’est donner plus.
Le complexe de Jonas (Orwell 1940, Quéau 2002)
Le problème des environnements hyper adaptatif, c’est l’absence de fragilité, de faille. La confrontation à un environnement parfaitement adapté dont la finalité est l’anticipation de nos désirs, laisse un sentiment permanent d’incomplétude. La multiplication des cas de complexes dits de Jonas pour des individus confrontés à un environnement fortement RA (Réactif-Adaptatif, Rogers 2007) nous porte à penser que nous aurons du mal à nous adapter à un environnement qui s’adapte trop bien. Ce type d’environnement favorise un comportement régressif en créant les conditions de vie proche de celle que l’on ne peut connaître que durant la vie intra utérine. Comme le rapporte en 1940 Georges Orwell repris en 2002 par Philippe Quéau, la baleine est un ventre pour un adulte. L’environnement quotidien, dans sa version hyper adaptative est donc un environnement foncièrement régressif. En cela il doit être considéré comme inadapté à sa fonction sociale.
La fonction utilitaire, fonction ludique, la fonction sociale
En effet, en cherchant à ne remplir que leur fonction utilitaire, les objets ne satisfont qu’une partie de leur mission. Dans le meilleur des cas, ils satisfont leur fonction utilitaire, parfois comme le screen ils peuvent assumer leur fonction ludique. Il est malheureusement rarissime que ces objets assument leur fonction sociale.
Le Rev’Som réveille et endort. Il distrait, mais il ne constitue en rien, bien au contraire, une préparation à la vie sociale. Par leur sur-adaptation, ces objets contribuent à fragiliser leur utilisateur en réduisant leur capacité d’initiative, de réaction, d’auto défense, au lieu d’en faire des individus autonomes doués de libre arbitre. L’usure du désir éternellement satisfait ne peut être compensée que par le développement des capacités d’autodétermination.
Choisir le monde que l’on vit plutôt que vivre le monde qu’on est censé désirer.
La fonction sociale des objets devrait être, au delà de la satisfaction des fonctions primaires, de nous aider à mieux vivre. Cela suppose, pour le comportement des objets, d’intégrer ce qui constitue la complexité du vivant qui détermine la richesse du vécu (cf. Norbert Wiener).
La réponse : le GFPI ?
L’outil que nous proposons, après des développements dont la durée est largement justifiée par l’ampleur des enjeux, devrait apporter une réponse définitive au complexe de Jonas et à tous ses avatars.
Le Générateur de Failles Psychologiques Intégré
De l’IA (Intelligence Artificielle) au PA (Psychisme Artificiel)
Alors qu’une grande partie de notre environnement fait appel à l’IA – intelligence artificielle – intégrée il convient de dépasser ce stade pour commencer à construire les entités complexes avec lesquelles on peut partager son quotidien. Elles seront nécessairement dotées d’un psychisme artificiel qu’il faudra comprendre avant de l’écrire, et c’est bien là que ce situe notre tâche actuelle: constituer les bases d’une Psychologie Artificielle qui ne pourra faire l’économie de l’étude comportementale, éthologique, et psychologique du vivant dans son ensemble.
No use filling up the memory space if the memory has no space for feelings.
B.B. Parkinson, 1984
La Faille nécessaire
Pour répondre à leur fonction sociale, il est temps que les robjets assument leurs responsabilités, et pour cela gagnent leur autonomie pour apprendre à dire non, à prendre des initiatives, comme un bon ami, à nous décevoir pour mieux nous accompagner.
Exemples :
Le réfrigérateur qui rompt la routine des commandes, choisi ce que l’on aurait jamais osé commander, s’amuse à nous surprendre. Le RevSom2.0 qui n’hésite pas à effrayer nos enfants, à évoquer les échecs, à suggérer la possibilité de la mort. Les récits les plus anciens n’ont jamais négligé cette dimension nécessaire au développement de nos capacités de survie.
Les screens sauront éviter de nous enfermer dans la répétition des recettes télévisuelles faciles qui devançant de trop loin nos désirs contribuent à nous laisser ignorer l’espace des possibles narratifs, en termes d’éducation, de divertissement et de création.
L’algorithmique du projet et sa mise en œuvre dans le GFPI
Faut-il réveiller la pensée qui dort?
Présentation des structures (Z-A2100 et le CITU)
(Image de l’ADAPT 2010)
Z-A 2100 et le CITU proposent de développer un langage comportemental de génération de failles psychologiques Intégrées, inspiré du prototype FRAGYL présenté par le CITU à l’ADAPT 2010 de Tsukuba.
Structuration conceptuelle
Je prie les non spécialistes de m’excuser pour les éléments qui suivent qui fondent les bases scientifiques du projet et qui pourraient leur sembler un rien abscons.
Il s’appuie sur des principes de fuzzy architecture, et plus précisément l’Architecture Caractérielle telle que nous l’avons formulée dès 2007. Entièrement compatible avec le protocole IPv8 à haute fréquence. La nouvelle structure informationnelle fait appel au différentiel occurant propre à la stochastique synaptique de Minh.
Double the power, triple the profits
Gordon Z. Moore, 1995
Structuration soft – Structuration hard
Nous avons les moyens de vous faire rêver (en chinois)
un Générateur de Failles Psychologiques Integré
Performance prospective