
Paris, métro ligne 1. La station Franklin Roosevelt est en travaux sous les Champs Élysées. Considérée par beaucoup, lors de sa rénovation dans les années cinquante, comme la plus belle station du monde, elle était avec le temps devenue le témoignage le plus authentique de la capacité de la modernité à atteindre la désuétude la plus accomplie.
En 1999, avec Jean Nouvel, nous avions gagné le concours architectural pour sa renaissance. A l’époque nous avons conçu la Station Bleue. La station entière transformée en un monochrome IKB. Tout était bleu, y compris le carrelage « métro », le sol, le mobilier mais aussi la lumière éclairant la voie, le cœur mal-aimé des stations.
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Confronté à la difficulté de nommer une évolution significative des pratiques dans lesquelles mon travail s’inscrit, j’ai compris qu’il faudrait que j’explicite le concept métaphorique auquel je suis parvenu : La Fusion Critique.
Pour que ce concept soit compris, il n’y a d’autre solution que d’en rédiger le manifeste ou plutôt d’en manifester la rédaction. Or s’il est un terrain où la réalisation m’est difficile, c’est celui qui fait passer l’écrit avant l’acte, quelque laconique que soit le premier et quelque fugace que puisse être le second. Il faut donc que je me résigne à soumettre au Dump ce projet d’ouvrage théorique qui ne m’en paraît pas moins essentiel.
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Les J .O. se sont achevés à Pékin. Il me revient que lors de la candidature de Paris pour les J.O. Xavier Luccioni m’a proposé de participer à un concours pour le « signal ». Cet objet, sculpture ou architecture, devait signifier et signaler la présence de l’idéal olympique sur le territoire parisien.

Nous avons proposé une sculpture dont la forme élancée semblait, telle une rémanence balistique, achever le mouvement d’un pro-jet de Pekin à Paris. Plantés dans le sol du site choisi, 5 stylets en fibre de carbone, permettaient à tous, champions ou spectateurs, sur place ou en ligne, d’écrire sur le ciel de Paris.

Le jeu de câbles commandés à distance permettait de guider la pointe lumineuse dont la rémanence laissait sur la camera une trace certes éphémère mais lisible.

Réinjecter le mot dans l’épreuve qui n’a conservé qu’un simulacre médiatique des idéaux pragmatiques de nos ancêtres (notamment que tout combat cesse durant les jeux, du Tibet en Ossétie), semble maintenant un geste dérisoire. Mais l’idée que les mots continuent de s’envoler permet au projet de survivre à sa fonction initiale.

Je retrouve cette image prise durant l’exposition Air de Paris. Beaucoup furent troublés par cette intrusion franche et inespérée de l’extérieur dans l’espace préservé de l’exposition. Où l’on vérifie, et on se plait à croire, qu’il était dans l’intention des auteurs de confronter espace de vie et espace de monstration. L’effet produit interroge tout autant sur la force des propos artistiques comparée à l’évidente puissance définitive du réel qui s’obstine à faire Å“uvre malgré lui, pour peu que le cadre de la fenêtre nous conduise à chercher le cartel là où l’on ne devrait trouver que la lumière. Cette bouffée d’air de Paris, dans la tiédeur confinée du monde de l’art est réveillée (révélée), par l’entremise d’une silhouette coupant net le champ pour une mise en abîme radicale de notre propre regard. Et c’est le vide de la ville en bas qui nous aspire quand la structure tubulaire de l’architecture semble garder le corps du délit, dedans, et le sujet dehors.
Quand Nouvel fend le Quai Branly pour révéler la Tour Eiffel, il cadre le cliché, quand J. Turrel ouvre le toit sur le ciel (Skyspaces), il laisse le monochrome dynamique se trahir par ses faiblesses sous forme de condensation nuageuse, quand P. Greenaway cadre la ville (Stairs, Genève 1994) il fait de la photographie sans support, quand la ville se dévoile à l’occasion d’une faille scénographique, elle répond. C’est le réel qui prend sa revanche sur l’exposition. Il faudrait travailler un dispositif qui, pour paraphraser Filliou, n’aurait d’autre fonction, par l’occultation plus que par ses ouvertures, que, de rendre la ville plus belle que l’art.

Dans une ancienne décharge, une carrière, des bidons comme stockés là clandestinement. À l’abri des regards et loin de tout lieu habité. Dessus : Art Contemporain et le pictogramme « bio hazard ».

player: Evelin Gerda Lindner
A la fin des années 90, Evelin Gerda Lindner, fondatrice du réseau Human Dignity and Humiliation Studies de Columbia University New York, venait me voir pour me demander de concevoir un dispositif pour permettre le dialogue entre personnes de communautés antagonistes. Il s’agissait de permettre l’échange, progressivement de réduire la tension entres communautés et d’amener les deux interlocuteurs à se parler plus directement. Elle avait été émue du potentiel du Tunnel sous l’Atlantique et imaginait que l’on pourrait concevoir un dispositif qui permettrait le rapprochement entre communautés rivales. J’ai immédiatement proposé cette forme. On entre des deux côtés sans se croiser. Au bout d’un premier couloir : le dispositif de dialogue. Après un temps, prenant le chemin du retour, les interlocuteurs peuvent choisir entre quitter le lieu ou accéder à la partie centrale qui permet de se rencontrer de manière assez confortable et de parler enfin en direct. La symétrie du dispositif équilibre la rencontre. A tout moment la bifurcation est possible. C’était là une situation très concrète renvoyant aux situations que je développais dans les dispositifs interactifs mais avec un niveau d’implication sur le réel qui fait la valeur du projet. Celui-ci n’a pas été réalisé sans pour autant que son actualité et sa pertinence en soient amoindries.

Player : François Schuiten
Au début des années 90 je réalisais avec la complicité e François Schuiten et Benoît Peeters une des toutes premières séries en images de synthèse 3D : les Quarxs. Après une première série de 12 épisodes largement récompensée sur le plan international et diffusée sur France 3 et Canal + en prime time, la seconde série n’a pu se faire. A l’époque la directrice des programmes jeunesse de France 3, particulièrement visionnaire, avait décidé que l’image de synthèse n’arriverait jamais à toucher le jeune public et qu’en conséquence elle ne donnait pas suite. La série s’est donc arrêtée là . Après un projet inabouti de jeu vidéo (1994) nous nous sommes lancés avec François Schuiten dans la conception d’une version long métrage. Entièrement défini dans sa trame narrative et son approche stylistique, le scénario est resté inachevé. Peut être parce que la mutation dans l’imaginaire collectif du concept d’accident opérée par le 11 septembre fragilisait la symbolique du projet.
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Players, Oleksandra Yaromova, Jean-Jacques Gay, Eesi, TAP Poitiers
Un projet pour la façade translucide et vidéo de la Scène Nationale de Poitiers. Le projet n’a pas été retenu mais il me plait que ce soit un ami dont le travail animera la façade. Dans le droit fil de Watch Out ! Vedute convertit le regard des passants en un œil géant découvrant le monde alentour. Le Théâtre devient la scène sur laquelle le monde se réfléchit ; tout d’abord flou, en attente de l’observateur. L’image du monde bouge alors sur la peau de l’édifice à la manière des jeux d’ombre de la caverne platonicienne. Parfois un visage s’approche de la « Porte », boîte percée d’un trou qui invite le regard. C’est lui que l’on voit alors sur la façade jusqu’à ce que l’œil intrigué contemple un temps le monde avant de se lasser.

Le lieu de spectacle devient l’origine d’où l’on perçoit le spectacle de la vraie vie. Last Life.
Le titre Vedute reparait sans que le lien entre les projets soit totalement évident, quoique…

C’est l’été, il faut respecter les traditions et en profiter pour vider le grenier. Accepter enfin de mettre les projets délaissés, inachevés, rejetés, non-financés, à la décharge. Accepter d’en faire le deuil. C’était là la fonction initiale du Dump et pourtant j’ai tardé à faire ce nécessaire dégraissage. Un projet archivé encombre inutilement la mémoire, déchargé, il pourrait alimenter l’imaginaire des autres. Il se pourrait même que certains d’entre eux reprennent vie à l’air libre.
Il faudrait s’interroger sur le fait d’éternellement différer le geste. Il en est des concepts de création comme des vieux meubles : un équilibre entre encombrement et attachement les maintient en suspend jusqu’au jour où l’on prend conscience du fait qu’ils plombent notre envol, qu’ils constituent une masse inerte qui nous ramène constamment à un état antérieur de la pensée conditionnant en retour le projet à venir. Il ne faut pas confondre la sédimentation des expériences, profondément fertile, et le ressassement des intentions en mal d’actualisation.

Paris est une ville qui semble croire à un déterminisme calendaire qui affecterait l’histoire de l’art et plus encore l’architecture de sa conservation. Orsay: un musée du XIXème siècle, le Centre Pompidou: un Musée du XXème siècle consacré au modernisme et au postmodernisme. On comprend alors que ce découpage cristallise une vision segmentée de l’histoire de l’art qui trancherait par siècle.
L’évidence s’impose de la nécessité d’un lieu dédié à la monstration et la conservation du post-contemporain que par facilité nous appellerons le Musée du XXIème siècle. Entre temps la question de la conservation de la création faisant appel aux nouveaux médias, réputée dématérialisée mais profondément techno-dépendante, résolument résistante à la réification -et donc aux transactions financières - mais dont on sait, et ce projet tente d’anticiper le phénomène, qu’à l’image de celle qui l’a précédée, elle sera absorbée par l’histoire de l’art qui ne refuse aucun objet quelle qu’en soit la forme, la cause ou l’effet pour peu qu’il fasse école. Ce n’est plus à démontrer.