article Siggraph '97 pour le magazine Technicart
article Siggraph 97 pour le magazine Technicart
Chaque années une secte de quelques dizaines de milliers de personnes (près de 50 000 à Los Angeles cette années). se réuni dans une ville différente des Etats Unis Comment expliquer que tous ces fanatiques aient pu décoller leurs rétines de l’écran d’ordinateur qu’elles scrutent à longueur de nuits (et même de jour parfois) pour arpenter, hagards les allées du Convention Center ou pour s’égailler dans les fêtes nocturnes dont le gigantisme tranche nettement avec le confinement qu’affectionnent les nerds de tous poils? En quête d’emplois ou de révélations, les adeptes du Siggraph, grand messe de l’image numérique, ne rateraient pour rien au monde les conférences, tables rondes, expositions et autre Film Show qui semblent leur procurer un an d’énergie pour un nouveau bain de pixels.
Pourtant cette année les révélations étaient bien rares. Bien sûr l’Electronic Theater nous livrait sa moisson d’images de facture irréprochable. Et il est clair que chaque année nous allons un peu plus loin sur la voie d’un plus grand réalisme de la matière, de la lumière, du volume ou de l’animation. On voulait de l’image brillante, rythmée, drôle, spectaculaire ? On n’est pas déçus ! Même si le plus souvent chacun reste dans l’incapacité la plus totale de citer ensuite un film ou un extrait dont il pense qu’il fera date.
Ce n’est plus là que ça bouge.
Sans prétention artistique, l’artisanat glisse lentement vers l’industriel.
L’Electric Garden était cette année le lieu où les centres de recherche les plus créatifs présentaient leurs dernières trouvailles (c’est le terme qui convient). Même si la création artistique reste la grande absente de l’année on peut percevoir les tendances qui rejoindrons les préoccupations des artistes dans les années à venir. Les dispositifs d’interaction s’allègent au profit de la détection de mouvement. On bouge la tête ou la main pour déplacer son véhicule. On fait des gestes dans le vide qui seront ensuite interprétés par un jeu de cameras via un hologramme-mémoire propres à nous transformer en samouraï hargneux (Sony). Capturer les mouvements pour créer l’animation devient une pratique courante qui envahi à son tour Internet. Avec quelques années de retard sur des technologies éprouvées dans la réalité virtuelle, les réseaux se mettent à la page et l’on s’extasie avec tendresse devant des réalisations laborieuses plus riches de potentialités (n’est-ce pas là l’essence même du virtuel?) que de résultats spectaculaires. Marc Pesce, le grand gourou du VRML (traduisez : réalité virtuelle sur Internet) nous présentait ainsi une présentatrice animée en temps réel (Bliss.com, c’est son nom!) au rythme des déplacements d’une personne réelle. Rien de nouveau (voir Cléo sur Canal +) sinon que tout cela se passe sur Internet, ce qui n’est pas rien. Les clones se multiplient pour donner un corps à nos échanges sur le net. Echtzeit (Berlin) présentait un système de communication (Talking Heads) pour réseau à haut débit (ATM) qui permet d’avoir son image plaquée sur un buste 3D en temps réel tout en dialoguant à l’aide d’un micro et d’un écran tactile sur lequel on partage texte et graphisme. Un progrès sensible sur les expériences déjà anciennes du MIT par le fait que lorsqu’on bouge la tête, le modèle 3D suit grâce l’analyse d’image.
Un autre axe en chantier : le retour d’effort. Le virtuel cherche à prendre corps et a faire sentir sa présence en rendant palpable son immatérialité. Lancer une balle virtuelle dans un panier de basket ne se fait plus sans effort physique et nos mains cablées nous font bien sentir le poids et la résistance de la balle (Virtual Basket Ball, Makoto Sato).
La vie artificielle grignote tous les secteurs de la production interactive. Nerve Garden (Biota site Internet déjà présenté dans ces colonnes par Pascal Joseph) en est un vivant témoignage. C’est probablement là, même dans ces manifestations rendues grossières par les limites de la technologie des réseaux, que se développent les axes les plus prometteurs pour le devenir des techniques de représentations et la mutation des écritures.
Plus urbaine, la fiction interactive s’animait sur Sunset Boulevard (Scott Minneman) et chacun pouvait, depuis sa voiture, modifier le programme sur écran géant en brandissant sa télécommande infrarouge d’ouverture de porte de voiture ou de garage. Le scénario n’en est pas plus compréhensible pour autant mais c’est une fois de plus l’intention qui compte.
La partie dite artistique de l’exposition était plus largement consacrée à l’image fixe et à l’installation vidéo (Tammy Knipp, Case Study #…). The Electric Body Project, installation de Thecla Schiphorst semblait égaré dans l’Electric Garden où l’on s’évertue à faire cohabiter jeux vidéo, recherche de laboratoire et création artistique. Si la suppression des frontières consacrées paraît souhaitable, valorisant la part d’imaginaire et de symbolique qu’il y a dans toute innovation technologique, le risque n’est pas moins grand d’entretenir la confusion des finalités par des juxtapositions hardies. La production symbolique utilisant les technologies comme media est trop vite réduite au stade de simple “démo” et son appréciation est alors conditionnée par le degré plus ou moins grand d’innovation qu’elle renferme. Est-ce vraiment souhaitable ?