Hole in Memory
Players: Libération, Maria-Grazia Mattei, Triennale de Milan
Le site de Liberation, image de l’installation Telectroscope de Paul St Georges
Un article 28 mai 2008 du quotidien Libération titrait « Un Tunnel sous l’Atlantique », une Å“uvre spectaculaire qui permettait aux citoyens Londoniens de communiquer avec leurs homologues américains. L’article était ainsi libellé :
« Un tunnel sous l’Atlantique
Un tunnel entre New York et Londres, qui «permet aux gens de se voir à travers la Terre, de manière miraculeuse», selon l’artiste anglais Paul St George, auteur de cette installation vidéo…»
Mon premier réflexe fut d’envoyer à la rédaction de Libération la copie de l’article qu’ils publiaient le 24 septembre 1995 « Paris-Montréal : le Tunnel assure la liaison permanente » qui présentait « Le Tunnel sous l’Atlantique, un « événement télévirtuel » conçu par l’artiste français Maurice Benayoun ».
Article de Libération du 24 septembre 1995, de Miriam Rosen sur le Tunnel Sous l’Atlantique de M.B.
Cet envoi était un geste d’humeur qui ne révélait en aucun cas la vraie nature de l’événement. Si l’inculture dans le champ de la création faisant appel aux nouveaux médias est grande, et que les pièces historiques sont souvent mal connues des commentateurs c’est principalement en raison de leur diffusion souvent ponctuelle et de la difficulté de reconstituer les pièces du fait de l’obsolescence des technologies mises en Å“uvre. Hors cette obsolescence est directement liée à l’émergence de ces mêmes technologies qui dans des phases pré-matures sont loin d’atteindre le niveau de standardisation suffisant pour en garantir la pérennité. Bien entendu, l’installation de Londres n’a rien à voir dans son concept et sa mise en Å“uvre avec le Tunnel sous l’Atlantique de 95 qui ne se limitait pas à une expérience de télé-vision urbaine, en revanche de façon plus commerciale, elle reprend presque littéralement Hole in Space (1980) qu’Alex Galloway et Sherrie Rabinovitz avaient réalisé entre New York et Los Angeles. Hole in Space (« Trou dans l’espace », permettait aux piétons des deux villes de se rencontrer à travers une vitrine de magasin. La visioconférence incrustée dans l’espace urbain avait ici une pertinence d’autant plus grande qu’elle conduisait les visiteurs à s’interroger sur la localisation des interlocuteurs et la perturbation de la logique de l’espace. Si, bien qu’enseignant en école d’Art, Paul St Georges semble ignorer ces deux installations si semblables, sinon dans l’intention, du moins dans le commentaire qu’en font les médias, c’est qu’il ne les a probablement pas vues.
Le Tunnel Sous l’Atlantique de M.B. au centre Pompidou en septembre 1995
Si l’histoire de l’art nous permet d’appréhender les œuvres-images à distance (temporelle et spatiale) grâce à leur représentation imprimée, il en va différemment des dispositifs qui supposent une certaine forme d’interaction, même si la vidéo aide parfois à en deviner la portée. Il est aussi difficile d’en rendre compte par écrit que d’en donner, en catalogue une représentation acceptable. Maintenant que ces technologies plus largement rependues permettent aisément de restituer l’œuvre originale, il est temps de constituer les collections qui permettront de découvrir les formes dynamiques de création et ainsi de construire la mémoire du media art comme on a pu se forger une culture des pratiques l’ont précédé. Une mission toute trouvée pour Le musée du XXIème siècle précédemment dumpé.