Wallpaper
Dans l’univers confiné de l’ordinateur, il est une catégorie d’information considérée comme de moindre importance que celle qui est mise à la corbeille.
Ce que l’on jette semble valoir plus que ce que l’on coupe.
Si l’on s’intéresse à l’écologie de l’espace de travail, il faut prendre en compte ce qui est délaissé au point qu’on ne sache pas quel équilibre précaire, sémantique ou mémoriel, pourrait se voir, avec le temps, remis en cause par cette inconséquence.
Introduisons une fonction qui conserve, comme la corbeille sur le bureau de l’ordinateur, tout ce qui est coupé : textes, sons, chutes de vidéo ou d’images recadrées. Tous ces fragments jugés inutiles au point qu’on ne nous demande même pas de confirmation pour leur élimination et qu’aucun lieu-tampon (comme la corbeille) ne constitue pour eux un purgatoire parfois salvateur.
Il faut penser aussi à recycler afin qu’un jour, de la résurgence de ces fragments surgisse un message que la précipitation quotidienne aurait ignoré.
Deux projets possibles qui recyclent simultanément le physique et le numérique.
Récupérons d’un côté ces laissés pour compte de l’information et de l’autre le papier des corbeilles physiques rassemblant les rebus de l’imprimante.
De ce papier recyclé produisons du papier toilette et du papier-peint sur lesquels, éliminés pour l’un, valorisés pour l’autre, les parias de l’information achèveront dignement leur destin.
Dans un espace où se décharge la création, il ne faut pas négliger d’y déverser les doublons, les copies, les plagiats, les synchronies, les rencontres, les similitudes, les gémélarités… au risque d’y laisser la décharge elle même pour qu’elle s’y abîme.
En attendant rendons hommage à The Art Dump.
Effet d’optique
Puisque l’on peut suivre sans effort les dérives du regard sur l’image, imaginons une forme déviante de la stéréoscopie, supposée rendre «solide» le regard, construisant un espace pervers, de l’ordre de ceux qui se confondent en effets de plaisir, dans lequel la distance relative augmente avec l’intensité du regard sur la chose.
Plus tu m’intéresses, plus tu me sembles loin.
L’objet du désir, convu plus que convoité, sans dégradation linéaire - réduction perspective de la taille apparente - s’éloigne du regardeur, voyeur mal vu de la scène. Ce n’est pas ici le transtrav («effet Husum» disent les exégètes de l’optique cinéphilique contre nature) de gaie mémoire, mais le trouble définitif du sens en dérive, de l’inassouvi enfin hors d’atteinte.
Le mapping serait-il la mutation numérique de la métaphore ?
Les tropes s’attrapent par paire, de nos jours binaires où de paires en pairs chacun trouve un compte plus ou moins bon, relativement satisfaisant, et certains termes qu’on pourrait traduire par transposition, plaquage, nappage, cartographie prennent un sens singulier et néanmoins délicieusement révélateur.
Nombre d’œuvres qu’on tague numériques fondent leur dimension poétique sur l’art du mapping. Il n’est pas question ici de technologie, mais de transposition, au sens rhétorique et musical du terme.
Quand les chaînes causales rejoignent les associations poétiques, le mapping trouve une place attendue et confortable. Les faits se plaquent l’un sur l’autre sans que pour autant l’excitation esthétique opère.
Projet :
C’est ainsi que le spectateur, esclave et maître du spectacle, peut voir l’image ciller au rythme de ses paupières qui trahissent l’ennui comme l’excitation. Quand les phases béantes de cette intermittence vomissent le flot mal digérée de la télé. Le zapping piloté par le papillon qui dans sa cage, de l’aile, coupe le flux continu de la télécommande qui dit quand et comment l’image suffit. Le battement devient le nombre et les programmes s’enchaînent en plans débridés. Le montage asservi, à rien, sinon à l’alea du libre cours du corps sans sens, à la rythmique physique, pertinente au-delà des signes en suspens. C’est ici la chaleur qui pilote le lépidoptère. Elle nous dit qu’ailleurs, à Sydney, le soleil faiblit. Lui qui se reflète sur les lunettes miroir d’une pin-up qui se gratte d’aise face à la l’image en ligne d’un bellâtre qui luit s’en fout car il pense que l’art est affaire de loto.
Le hasard a ses lois que l’art ne connait pas. toujours.
Player : France Inter, David Guez, Jean-Pierre Balpe
Je me réveille avec l’interview de DG qui raconte comment il envoie un message à sa douce dans le futur. Bonne idée ! Mais que deviennent les mots avec le temps. Comment résonnent-ils coupés de leurs racines. Ne faudrait-il pas songer à offrir une lettre qui toujours vivante, continuera de se développer avec le temps qui passe. Une lettre qui progressera, se ramifiera, multipliera les bourgeons littéraires et les éclosions flamboyantes. Le Net n’est pas qu’un mode de transmission, c’est aussi un espace symbolique qui joue du temps comme l’image joue du plan. La seule forme possible, non inerte, pour un message reçu dans le futur qui ne resterait pas lettre morte, est une lettre susceptible d’évoluer superbement, voire de se faner et de s’autodétruire en l’absence de lecteur pour la recevoir.
Projet de carrière d’artiste
Player : Haunted de Chuck Palahniuk
Qui a dit : un bon artiste est un artiste mort?
Ceci est une fiction et Chuck Palahniuk, que je n’ai pas l’heur de connaitre, n’est pour rien dans l’hypothèse suivante. Ce n’est pas son livre dont le titre est si mal traduit en français (A l’estomac pour Haunted) qui est une véritable mine de suggestions artistiques. Ce n’est pas lui non plus qui suggère que pour devenir un artiste célèbre il faut tuer ceux qui occupent la place et que certains collectionneurs et certains galeristes seraient prêts à payer pour cela.
Sans même pratiquer la chose au point que l’assassinat devienne un des beaux arts, il peut devenir une pratique suffisamment systématique et radicale pour que l’auteur soit apprécié - et c’est là l’originalité de la proposition de celui qui n’est pas Chuck Palahniuk - non pour la beauté du geste, mais pour les places qu’il lui fait gravir dans le gotha de la création contemporaine.
Ne laissons pas la psychanalyse s’emparer de telles hypothèses.
Jouissons de l’idée que plus la côte d’un artiste est élevée plus sont nombreux les cadavres qui jalonnent sa carrière.
Black Hole evolution
Installation interactive
Dans le projet Black Hole la surface noire aspire physiquement le spectateur. Dans Soul Sucker Une seconde ouverture juxtaposée, de même dimension, nous donne à voir notre image devenue particules de poussières aspirées par l’image absente.
les angoisses du bloggeur
L’art du lendemain est celui qu’on ne regrette pas d’avoir produit la veille.
Le contraire de l’artiste contemporain est l’artiste mort.
Peinture, lumière
Les limites de la perception définissent le territoire du doute. On présuppose que l’œuvre picturale doit tenir de l’énigme pour activer dans l’esprit du regardeur les mécanismes d’interprétation qui contribuent à l’émotion esthétique (que de certitudes ! qu’il faut parfois abandonner pour retrouver intact le plaisir de la chair).
Une toile blanche. Peinte uniformément. Un autre monochrome.
Alors une lumière fugace - qui marque plus par la persistance de l’impression qu’elle laisse sur la rétine que par la durée d’impact réel - devrait créer cette vision. Une sorte de retour forcé du refoulé.
Le regardeur attentif peut distinguer, croit-il, une silhouette qui flotte à la surface mais disparait dès qu’il tente de mieux la voir.
Une surface de leds, derrière la toile, éclaire une fraction de seconde, laissant apparaître par transparence le contenu, le temps d’être absorbée par la surface blanche.
Le sujet de l’apparition n’est révélé au propriétaire de la toile que lorsqu’elle lui est livrée. Le contenu n’est déterminé par l’artiste qu’à la suite dune discussion plus ou moins longue avec le futur collectionneur. Le message subliminal lui est destiné.