Arc de Triomphe Between War and Peace

Entre Guerre et Paix, exposition permanente, Arc de Triomphe, Paris

Inauguration le 11 février, 2008

Conception et design de l’exposition pour célébrer les 200 ans de l’Arc de Triomphe

Conception et réalisation: Maurice Benayoun (Artiste) et Christophe Girault (Architecte)

Description du projet initial (avant construction)

« Deux siècles depuis la première pierre, il est temps de s’interroger sur la signification de cet objet urbain qui impose son évidence massive en une place majeure de la capitale. C’est aussi l’occasion de s’interroger sur la place des objets symboliques monumentaux dans nos sociétés aux valeurs en perpétuelle mutation.

Un pari accepté par le Centre des Monuments Nationaux quand il a retenu le projet pourtant à risque : discuter de la symbolique, donner à vivre plus que donner à voir, faire osciller, en image, le monument entre Guerres et Paix, sculpter et scruter le décor du regard, Arc en main, faisant tournoyer les fragments d’histoire pétrifiée.

Pour l’Arc de Triomphe, la symbolique à glissé avec le temps du projet initial : un monument à la gloire de la Grande Armée , devenu monument de célébration nationale, en passant par le retour des cendres de Napoléon et l’enterrement de Victor Hugo pour devenir le mausolée du soldat inconnu, dernier mort de la « der des der », celui qui de son corps referme la porte de la guerre faute d’être celle de la victoire. Ce geste aurait dû inaugurer une période qui privilégie les valeurs de paix et de fraternité, plus en harmonie avec une époque et une culture qui préfère le dialogue au combat.

La nouvelle scénographie s’efforce de poser les questions actuelles à la lumière de l’histoire.

Monumentalité et statuaire
Le monument en impose tellement qu’il maintient à distance. Il est peu de points de vue qui permettent d’en observer correctement à l’œil nu la statuaire. Le parisien ne s’y trompe pas qui ignore superbement le monument qu’il perçoit isolé sur son îlot cerné par un flot automobile peu accueillant. Seul le touriste sait qu’il existe un espace intérieur de l’Arc en attente fonction.

L’approche scénographique
Trois matériaux ont été privilégiés : L’acier, le cuir et l’image. Fil de cuir jaune qui accueille et guide le visiteur, 15 tonnes d’acier pour ancrer l’image dans la pierre. Les dispositifs de présentation se distinguent résolument du monument. Par leur forme monolithique, plus installation sculpturale faite de blocs d’acier que cimaises, ils assument leur altérité et rythment par la géométrie et par l’image l’espace ascétique de l’Arc. Ils ne sont plus supports; leur volume tranche l’image/lumière/mémoire comme des fragments de message en attente de lecteur.

Parfois documentaires parfois innovants, les dispositifs multimédias confrontent les échelles, les symboles, les époques, les personnes.

Le Clinamen
Lucrèce serait surpris de retrouver l’oblique en travers de l’axe historique qui du Louvre à Saint Germain dessine des parallèles enchaînant obélisque et arcs pour converger au soleil couchant. Le dispositif, la Grande Oblique coupe l’espace cruciforme de la salle de l’Attique comme pour permettre la rencontre entre des sens et des personnes qui n’auraient jamais dû se croiser. Cette oblique est aussi dans l’axe du méridien, une façon de ressituer le monument par rapport au monde et non par rapport au pouvoir.

Le point de vue, un dispositif évolutif
L’arc de Triomphe, au centre de l’Étoile, est un point de vue imposé sur la ville. De là, elle se donne à lire de manière différente et il fallait proposer des pistes d’interprétation.
Un dispositif d’observation, télescope de « réalité augmentée », probablement le premier du genre en installation permanente (n’a finalement exister sur la terrasse qu’en tant que prototype durant un mois), permet aux visiteurs de découvrir la ville et de mettre un nom sur les sites et les édifices. Ces télescopes permettront aussi plus tard de découvrir d’autres lectures: historiques, géographiques, ludiques ou poétiques.

Une muséographie permanente qui s’actualise avec l’histoire.
Fondée sur des dispositifs dynamiques parfois interactifs, la scénographie autorise une évolution du contenu pour prendre en compte l’évolution de la symbolique du monument et de son interprétation, que l’on aurait cru figée dans la pierre, mais aussi pour permettre une adaptation ponctuelle aux événements.

Un observatoire privilégié du devenir urbain
Parallèlement à leur fonction informative, les dispositifs de la terrasse constituent une plateforme d’expérimentation sur les nouvelles formes d’écritures qui de l’histoire au patrimoine, en passant par l’urbanisme et la création artistique feront de l’Arc un observatoire permanent des dynamiques urbaines. Le partenariat scientifique entre le Citu (Universités Paris 1 et Paris 8) et le Centre des Monuments Nationaux , établi sur la durée, inaugure une recherche en profondeur sur ces questions.

M. Benayoun Ch. Girault

émission Vivre sa ville, sur France Culture, samedi 13 juillet 2008

La nouvelle scénographie permanente de l’Arc de Triomphe de Paris
Interviews de Jean Paul CIRET, Maurice BENAYOUN, Christophe GIRAULT
par Sylvie Andreu
Realisation : Véronique Vila

Suite aux événements du 1er décembre 2018, ou les « Gilets Jaunes » ont détruit la totalité de ce qui restait de la scénographie, Maurice Benayoun publiait sur Facebook:

Post 1: « J’ai travaillé pendant 2 ans sur un projet qui a pris 80 ans à voir le jour. Repenser l’exposition permanente de l’Arc de Triomphe de Paris pour reconsidérer la symbolique du monument sur le thème « Guerre et Paix ». La moitié de cette exposition a été massacrée en 2009 par la Directrice du Centre des Monuments Nationaux (Isabelle Lemesle) qui préférait y voir une boutique de cartes postales. L’autre moitié vient de disparaitre la nuit dernière sous la hargne des casseurs. Cette exposition était devenue une référence en muséographie interactive et réalité augmentée. Il n’en reste plus rien puisque les vidéos et photos d’époque ont été séquestrées par les Monuments Nationaux pour que, Christophe Girault et moi-même ne puissions plus avoir de recours. Le patrimoine ne se protège pas lui-même. La bêtise institutionnelle puis la vindicte populaire en ont eu raison. En plus des dispositifs massacrés, une superbe maquette réaliste de l’Arc, et un moulage aà l’échelle un de la sculpture de Rude (« Le Départ des Volontaires », souvent titré à tort « La Liberté guidant le peuple ». « La Bêtise guidant le peuple » aurait aujourd’hui tout son sens. Mais on ne peut s’empêcher de voir là le résultat de décennies de destruction des partis politiques et des syndicats. Sans vision politique et sans relais institutionnels, les français redeviennent, sur le modèle d’un Président qu’on aura vite oublié, des gens « normaux », ce qui inclut ceux dont l’esprit critique contribue à questionner le pouvoir et ses dérives, comme ceux qui ne savent s’exprimer que par la haine et la hargne, le racisme et la violence. Tout le monde y trouve son compte, mais c’est sur ces terrains marécageux que les dictatures s’installent, bien rassurantes et promptes à la remise en ordre. Tout ceci ne présage que le pire.

Interesting to see that the media have no idea, beyond the symbol of the Arc that will remain preserved, there are some pieces of digital cultural heritage that have been erased forever. »

et aussi:

Post 2: « Pour information le dispositif sur lequel le GJ s’acharne en début de vidéo est un distributeur de médailles (je ne suis pour rien dans ces dispositifs que j’avais demandé de supprimer). Pas de destruction idéologique et militante ici, mais la volonté de récupérer la caisse. »

Post 3: « I thank all friends for supporting my disappointment and my loss. However, honestly, I think this is nothing compared to what is happening in France and the foreseeable consequences. »

Arc de Triomphe entre Guerre et Paix
scénographie permanente / museum design / interact

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