L'artiste, c'est celui qui joue le mieux le jeu qu'il crée

— Notes sur l’oeuvre interactive

Notes 1 (30/07/97)

Il existe différent types d’oeuvres interactives :

1 Celles qui se fondent sur des modes de relation action/réaction existant (systèmes de choix multiples, modèles encyclopédiques etc. .

2 Celles qui simulent le monde en permettant à chacun d’y jouer un rôle valorisant (je suis Superman et je dois triompher de l’agresseur forcément méchant)

3 celles qui constituent des mondes ou des univers métaphoriques.
Cette dernière catégorie me semble la plus adaptée à une appropriation dans le champ de la pratique artistique.

Il ne s’agit pas pour l’auteur de “mondes” que l’on dit parfois virtuels de produire des images comme il le fait dans l’histoire de l’art depuis plusieurs siècles, mais de produire les règles d’apparition des événements qui, à l’intérieur d’une fiction interactive déterminent la production d’images. Dans ce cas les images ne sont qu’une des modalité d’apparition du monde symbolique. Elles sont le moyen unique et irreproductible, de percevoir ce monde qu’en temps que spectateur, on est invité à explorer.

Il ne faut pas voir, dans un monde virtuel une production d’image. S’arrêter  l’image c’est regarder le doigt qui montre la lune.
Le philosophe dit :
“Quand le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt”.
Derrière l’image il y a un monde qui se donne à comprendre. S’il est bien écrit il constitue un ensemble de découvertes et de révélation qui justifie totalement le plaisir qu’on prend à son exploration. Ce qui fait réagir parfois négativement à la présentation des univers virtuels, c’est cette “obscénité” du plaisir immédiat qu’ils procure. Quand le déplacement qu’ils provoque ouvre es horizons nouveaux ou traduit d’une manière différente des horizons dont la pertinence n’est plus à démontrer, alors la répulsion qu’ils procurent à certains n’est qu’une manifestation de leur actualité.

Il y a évidement ici un côté un peu orgueilleux de l’homme qui se sent dans la position du créateur du monde dans lequel il vit. Il doit décider des éléments qui occupent ce monde et des lois qui les font (ces éléments) se mouvoir, se reproduire, agir et réagir. Cette démarche pourrait être purement prétentieuse et elle pourrait s’enliser dans une vaine tentative de reproduction du monde. Mais, et c’est là la différence fondamentale, le monde “virtuel” ainsi créé par l’homme est un monde avec un sens. C’est un monde dans lequel les éléments sont organisés de manière à produire du sens. Là aussi, nous distinguons ce type de production de l’attraction de parc à thème. Il ne s’agit pas de produire de l’effet et de ne satisfaire que des intérêts sensoriels mais bien plutôt d’organiser les signes en système de sens.

Le “spectateur” pour lequel on ne réussi jamais à trouver une étiquette adéquate, se trouve dans une situation nouvelle. Il ne se contente pas de découvrir un “texte” pré-écrit, il est le catalyseur, le révélateur d’un texte qui se donne à lire au moment où on le découvre. Le spectateur est bien un révélateur, mais il révèles ce qui n’est que pour lui. En effet l’image qui lui donne à voir le monde n’est pas là pour les autres, elle dépend du moment et du point de vue qui est foncièrement unique (comme dans le monde réel). Là, moins que jamais, l’image st un objet figé. Elle acquiert le même statut que celle qui se constitue au fond de notre œil lorsque nous regardons le monde réel. Elle n’est pas en soit une trace. Elle n’est pas non plus la synthèse d’un ensemble de données organisé pour produire un sens lisible de manière synchronique. Elle alimente notre compréhension du monde en indices qui trahissent (de manière parfois bienveillante, les intentions, sinon les règles qui organisent les événements. Les événements aussi sont uniques. Il “se” produisent, là, ici et maintenant, et sont, selon la complexité générée du monde que l’on découvre, ils sont plus ou moins différents ou perçus différemment.

Si l’on pense que le monde réel, tel qu’il nous apparaît est la conséquence d’un ensemble limité d’éléments physiques et de forces qui les animent, le monde virtuel peut répondre aux même lois. Non pas reproduire les éléments physiques et simuler lesdites forces mais synthétiser des éléments et des principes d’organisation, d’évolution et de comportement qui, à l’occasion de la visite du spectateur se donneront à voir, (ou à vivre).

Le caractère non décisionnel de la relation spectateur/univers
Monde qui donne à penser

L’implication du corps. 
La question de l’interactivité. Un monde réactif. On monde qui nous donne à lire, à se lire.

La vie c’est le réel multiplié par la présence de l’individu. Un monde sans vie c’est une vue de l’esprit. C’est un objet supposé sans observateur. La vie c’est le trait d’union intégrant perception et sensation entre l’être et l’environnement.
A mi-chemin entre immersion et incarnation (enbodiement) il y a l'”envie” le fait d’être plongé dans un monde qui nous renvoie une image (un statut) d’être vivant en accord avec ses principes de fonctionnement. Cela signifie qu’il intègre notre présence vivante au point d’être modifié par notre participation et d’y opposer une réaction proportionnée. C’est la puissance de cette réaction qui détermine la puissance de l’œuvre. Le jeux vidéo oppose à l’immersion une réaction puissamment physique. Cela détermine sont succès auprès d’un public avide de sensations fortes. La réaction symbolique de la création interactive peut être tout aussi émotionellement forte. Dans le terme de “puissance” il y la notion de potentiel. La virtualité, c’est la nature de ce qui est en puissance, potentiel, s’opposant en cela à “l’actualité” qui caractérise ce qui est en acte.

“EnVIE” non pas “avoir envie de” mais être plongé dans la vie. “Enlifement”

Le monde interactif, ou plutôt la fiction interactive partage avec le monde réel, une de ses caractéristiques les plus essentielles : la virtualité. 

Ce qui fait la force des mondes virtuels en terme de représentation et d’implication physique d spectateur, c’est la proximité qu’il y a entre ces mondes et le vécu dur réel. Cette proximité ne se réduit pas à l’illusion réaliste, la simulation. Elle réside dans le fait que l’interactivité marque notre premier contact avec le monde réel. Le bébé pleure, on lui apporte à manger. C’est simple et terriblement efficace. L’absence d’une telle réaction nous permet très tôt de comprendre la dimension déceptive du réel, et peut être la raison d’être d’une certaine forme de représentation virtuelle au service de la substitution (de la compensation). Dans l’histoire des technique s de représentation la démarche réaliste nous à toujours poussé à rechercher une adéquation aussi grande que possible entre l’objet et sa représentation. Cet objectif n’a jamais été une fin en soi. Cependant on peut considérer que la multiplication des éléments de similitude (mouvement dans le cinéma, son, relief etc…) visait à créer un sentiment d’immersion dans la fiction qui nous permettait d’envisager le monde figuré de la même manière que le monde réel. L’impact sur le public est d’autant plus fort que la situation qu’on lui donne à vivre lui paraît plus réelle, c’est à dire qu’il la vit au même titre que son expérience du monde réel. Cependant c’est par l’acceptation des limites de la représentation qu’il joue le jeu (suspension of disbelief…). Ce que l’interactivité introduit dans le sens d’un rapprochement de la représentation de son objet, c’est le sentiment pour le spectateur que ce qu’il contemple prend en compte sa présence. Il existe pour le monde qu’il regarde. Ce monde est modifié par sa présence.

Le virtuel c’est d’abord le réel
Une particularité significative du monde réel c’est l’imprévisibilité. Celle-ci ne signifie pas que le future (qui devient rapidement le présent), n’est pas en germe dans le passé (qui était, il y a peu, le présent lui-même). Le mode réel est pétri de virtualité. Il est en perpétuel devenir et tout ce qui arrive est à l’état de potentialité dans ce qui est.
Ce que nous appelons réalité virtuelle semble paradoxale. Cependant ce n’est pas que la réalité soit virtuelle qui constitue le paradoxe mais que la fiction puisse prétendre à la virtualité. L’œuvre interactive donne à la représentation une qualité qui en était absente jusqu’à présente mais qui constituait une des composantes déterminantes du réel : la virtualité.
Mais, comme nous sommes alors dans une représentation, t que nous pouvons supposer que celles-ci à d’autres visées que de tâcher lamentablement de singer le réel, nous pouvons en déduire que cette interaction est supposée nous apporter un surcroît de sens qui justifie le mal que l’on se donne à la créer et le plaisir que l’on prend à la vivre.

Et, dans les situations symboliques, que je distingue volontairement de celles qui sont destinées à la simple -mais non négligeable- satisfaction des intérêts sensoriels, cette prise en compte du spectateur est un élément déterminant de la construction du sens. C’est probablement pour cela que la plupart des projets sur lesquels je travaille utilisent cette situation singulière de relation monde/visiteur de manière à se poser la question, sous des angles différents, de la finalité. Ce n’est pas un exercice de style récursif mais la traduction d’une interrogation sur la place de l’activité artistique dans l’ensemble des pratiques culturelles et de l’homme sur la surface qu’il occupe.

Créer un monde symbolique c’est définir les lois qui régissent les événements et les sujets qui le peuple. C’est pour l’auteur l’occasion de donner une forme tangible (quoique paradoxale dans le champ du virtuel) à ce qui constitue tout au long du XXème siècle lle fondement de la pratique artistique. Avec la disparition des fonctions utilitaire et l’affirmation de l’individu artiste en tant qu’origine incontestable d’un imaginaire exemplaire, se développe l’idée que l’artiste digne de ce nom doit définir les règles de l’art qu’il doit transcender dans une production manifeste qu’on ne saurait suivre sans être de second ordre. Créer la règle de la pratique est devenu la règle de l’art. La règle d’un jeu qui rivalise avec d’autres pour constituer une finalité conséquente à une présence qui n’en a pas. Les autres jeu constitutifs du GRAND JEU, sont la recherche fondamentale dans le domaine scientifique; la théologie, et l’art ne constitue que la manifestation la plus chaotique d’un jeu de patience qui découle de l’incapacité de l’homme à assumer sa conscience. Les pratiques symboliques interactives mettent en exergue cette position particulière de l’homme confronté à la question. La question dans le sens que lui donnait l’Inquisition : recherche de LA réponse nécessairement unique et torture rendue nécessaire par son inexistence. La double contrainte qui en résulte ne fera jamais glisser la pratique symbolique dans le déclenchement de manifestations schizophréniques. Le caractère virtuel des mondes que je propose est une condition nécessaire au questionnement (Dieu est-il plat? Le Diable est-il courbe ? Et moi dans tout çà?1,2…). La réponse elle même n’est pas écrite elle appartient à chacun. La situation créée est une forme qe questionnement. Ce qui est virtuel, c’est l’expérience de chacun ce qui induit souvent des interprétations paradoxales qui sont incluses dans le propos. La polysémie du virtuel est de l’ordre du pléonasme. C’est la qualité du questionnement qui importe. Le titre n’est que la clef du vestibule.

L’art du 20s l’artiste defini ses règles
dans la création interactive il défini le monde porteur des règles.
Définir les règles
L’artiste, c’est celui qui joue le mieux le jeu qu’il crée.